Des évêques de France condamnent désormais ouvertement les fidèles qui réclament la messe comme un besoin essentiel de leur vie. La plupart des prélats se taisent et se lavent les mains au gel hydroalcoolique. Quelques-uns réagissent avec détermination. Honneur à eux ! Mais réfléchissons un instant. Sommes-nous finalement trop excessifs et devons-nous nous calmer et suivre l’invitation mesurée des quelques dignitaires qui exhortent à suivre les préconisations gouvernementales ?
Voici ce que rapporte l’un des témoins de la grande peste de Marseille en 1720 :
« La mortalité des confesseurs a été si nombreuse qu’il n’en reste presque plus vers la mi-septembre, comme nous l’avons déjà dit ; ce qui obligea notre évêque de rendre une ordonnance le 2 de ce mois pour obliger tous les prêtres et religieux retirés à la campagne à rentrer dans la ville et à venir se joindre à lui pour exercer les fonctions de son ministère. […] La crainte de son propre péril ne l’arrête pas dans le péril commun de son peuple. Il va par toute la ville accompagné de M. Boujarel, chanoine de la cathédrale, de quelques confesseurs et de ses aumôniers. Il parcourt les rues et les places publiques, qu’il trouve remplies de malades et de gens moribonds ; il répand partout des aumônes et des consolations, il ranime les malades, il les encourage, il les exhorte à souffrir avec patience, et à mourir avec résignation. Ceux qui sont à sa suite les confessent et se détachent de temps en temps pour entrer dans les maisons en confesser d’autres. »[1]
Nous étions en 1720. La moitié de la population de Marseille était décimée et les prêtres répondaient aux besoins des âmes.
Nous sommes en 2020. Trois siècles plus tard, il semble que 0,06 % de la population soit « officiellement » déclarée décédée du Covid-19 et un trop grand nombre de pasteurs craignent les puissances de ce monde, ou du moins leurs sirènes.
Tout en sachant que sa fin n’était pas de briller ici-bas, Mgr de Belsunce a survécu à la peste de 1720. La crainte des évêques de notre temps est-elle donc proportionnée à la situation actuelle ?
[1] Relation historique de la peste de Marseille en 1720, Cologne, 1721, p. 206-207.