Le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État du pape François, un des personnages-clés de l’Église romaine d’aujourd’hui, entend l’être de celle de demain. Or, sa ligne théologique et liturgique est fort préoccupante.
Un ADN progressiste
Notre confrère Res Novæ, dans sa livraison de mai 2019, rapportait les scénarios élaborés pour un prochain conclave par des vaticanistes d’importance comme Sandro Magister : en face d’un cardinal « conservateur » (Joseph Sarah, 75 ans, préfet de la Congrégation pour le Culte divin), se dresserait un cardinal « progressiste », Luis Antonio Tagle (61 ans), archevêque de Manille, sans que ni l’un ni l’autre puissent recevoir les deux-tiers des voix nécessaires. Un troisième homme, un « centriste », pourrait alors émerger, rassurant les uns sans effrayer les autres, qui serait présenté comme ayant toutes les garanties de sérieux dans l’organisation du gouvernement auquel aspire aujourd’hui le Sacré Collège : ce serait le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État (65 ans). Sauf que le cardinal Parolin n’a rien d’un centriste.
Originaire de Vénétie, il entré dans les services diplomatiques du Saint-Siège, où son mentor a été le cardinal Achille Silvestrini, Secrétaire des relations avec les États (ministre des Affaires Étrangères), chef de file durant des décennies de la Rome libérale. Pietro Parolin a servi dans diverses nonciatures, puis est revenu à Rome en 1992. Devenu Sous-Secrétaire pour les relations avec les États, sous Jean-Louis Tauran, qui avait succédé à son patron Silvestrini comme Secrétaire des relations avec les États, Pietro Parolin se signala par son savoir-faire dans des tractations délicates, notamment au Mexique et au Vietnam. Le cardinal Bertone, devenu Secrétaire d’État de Benoît XVI en 2006, le détestait et l’envoya en 2009 dans la très difficile nonciature du Venezuela, où il fit la connaissance d’Edgar Peña Parra, prélat vénézuélien très discuté, dont il fera son premier collaborateur comme Substitut pour les Affaires générales, en 2018.
En 2013, le pape François se laissa d’autant plus facilement convaincre de le nommer Secrétaire d’État par les cardinaux Silvestrini et Tauran qu’il avait apprécié, comme archevêque de Buenos Aires, de le voir jouer très habilement en face d’Hugo Chavez à Caracas.
Pietro Parolin, cardinal depuis 2014, membre du comité de cardinaux destiné à faire au pape des propositions pour une réforme de la Curie, n’est donc pas vraiment l’homme d’un monde nouveau. Il n’a notamment nullement contribué à épurer les membres du « lobby homosexuel », ni écarté des hommes aussi contestés que Maradiaga, Coccopalmerio, O’Brien, Farrell, Paglia, Zanchetta, tous hommes du parti avec lequel il s’est installé aux commandes.
L’homme de la Chine
Parolin a cependant commis une erreur – partagée d’ailleurs par le pape Bergoglio – en ne croyant pas à l’arrivée de Trump au pouvoir et en donnant au moins quelques gages à son adversaire Mme Clinton. Du coup, le Saint-Siège se trouve dans un autre camp : dans le grand jeu mondial Chine/États-Unis, qui n’est pas avec l’un…
L’accord provisoire passé par le Secrétaire d’État avec la République populaire de Chine, le 22 septembre 2018, au terme de négociations directes avec Pékin au moyen d’une commission mixte, menée côté romain par Mgr Celli, a stupéfié par son irénisme dont les conséquences ne peuvent qu’être désastreuses. Mais était-ce vraiment de l’irénisme ?
Certes, des négociations exploratoires avaient été menées de longue date par le Saint-Siège, notamment par les visites successives en Chine du cardinal Etchegaray. Déjà, un certain nombre des évêques « officiels » nommés par Pékin, d’abord, puis peu à peu la grande majorité d’entre eux, avaient, à leur demande et après examen au cas par cas, été réintégrés dans la communion avec Rome. En outre, Mgr Nugent, en poste à la Mission d’Études de Hong-Kong (dont l’évêque, Mgr Zen, fut créé cardinal par Benoît XVI), avait fait en sorte, à partir de 2002, que certains évêques nommés par Pékin, le soient aussi par Rome, aux termes d’accords mutuels. En outre, le pape François avait réutilisé les services du cardinal McCarrick, ancien archevêque de Washington, mis en pénitence par Benoît XVI pour ses crimes de prédateur sexuel, pour des missions exploratoires.
L’accord Parolin de 2018 concédait aux autorités chinoises ni plus ni moins que la « présentation » des évêques à nommer par Rome. Ce qui provoqua notamment les critiques véhémentes du cardinal Zen, accusant Pietro Parolin de « vendre l’Église catholique au gouvernement communiste ». Zen stigmatisait la réintégration dans la communion romaine, en vertu de cet accord, des sept derniers évêques « officiels » nommés par Pékin, dont deux mariés. Il fustigeait surtout le sort fait aux évêques clandestins, qui étaient écartés du gouvernement des diocèses s’ils n’étaient pas approuvés par les autorités communistes (deux évêques clandestins ont déjà dû céder leur place à des « officiels »).
Les événements qui ont suivi l’accord ont d’ailleurs montré qu’il n’était qu’un paravent pour les persécuteurs communistes voulant faire passer progressivement l’Église des martyrs sous leur contrôle : les persécutions contre les chrétiens catholiques et protestants ne se ralentirent nullement.
Accords léonins en faveur de la Chine. Pourtant, bien des voix autorisées assurent que les contreparties chinoises ont été, et sont toujours, importantes. Mais d’un autre ordre que spirituel… Dans la situation financière de plus en plus délicate où se trouve le Saint-Siège, tout apport de fonds est le bienvenu. Peut-être est-ce un des motifs pour lesquels a été délivré cet ahurissant certificat de bonne conduite délivré à la Chine en matière de morale sociale par Mgr Sorondo, chancelier de l’Académie Pontificale des Sciences. Rentrant d’un voyage à Pékin, avant l’accord de 2018, il déclarait que « la Chine est le pays qui met le mieux en œuvre la doctrine sociale de l’Église » (Vatican Insider, 2 février 2018). Rien de moins. « C’est un pays, ajoutait-il, où le “bien commun” est la valeur première ; tout y est secondaire par rapport au bien commun ! » On se dit que la Chine de Xi Jinping remplace la place laissée libre dans le cœur des diplomates du Saint-Siège par l’Amérique de Trump.
Le grand projet de Pietro Parolin
Dans un article d’Onepeterfive, du 20 mars 2019, Julia Meloni s’interrogeait : « Cardinal Parolin : The Next Pope ? » (Cardinal Parolin : le prochain pape ?) D’aucuns, et sans doute d’abord lui-même, estiment qu’il pourrait réussir le projet lancé par l’élection de François : conduire Vatican II à son terme. Fait notable : il a fait inscrire, le 7 juin 2017, aux Acta Apostolicae Sedis, au titre de « magistère authentique », la louange adressée par le pape François aux évêques argentins pour leur interprétation ultralibérale d’Amoris laetitia.
Cette même année 2017, il prononça un très important discours à Washington, à la Catholic University of America, où il recevait un doctorat honoris causa en théologie (14 novembre 2017). Sa leçon magistrale de presque une heure, en italien, était une glorification de Vatican II, fons et origo d’une Église ayant acquis une nouvelle « note » : Église toujours catholique mais devenue mondiale. Parolin expliquait que, de même qu’elle était passée, selon lui, à l’origine, du judéo-christianisme au pagano-christianisme, elle a fait, lors de Vatican II une mue tout aussi radicale. Processus « irréversible », dans lequel le pape François a mis en lumière la synodalité (notion qui élargit la collégialité, au-delà des évêques, à l’ensemble du Peuple de Dieu), et que Parolin qualifie de conciliarité. Dans sa leçon, Parolin laissait même entendre que les conférences épiscopales font partie de la constitution divine de l’Église du fait de l’ordination épiscopale des évêques : la sacramentalité de l’épiscopat, d’où résulte le munus de chaque évêque, est mise en œuvre par les conférences ; de sorte que le caractère sacramentel conféré à l’évêque serait en somme de nature synodale et la collégialité d’origine sacramentelle.
Concernant le lien de la nouvelle lex credendi avec la nouvelle lex orandi, le pape François avait dit, dans un entretien accordé aux diverses revues jésuites en août 2013, au début de son pontificat : « Vatican II fut une relecture de l’Évangile à la lumière de la culture contemporaine. Il a produit un mouvement de rénovation qui vient simplement de l’Évangile lui-même. Les fruits sont considérables. Il suffit de rappeler la liturgie. Le travail de la réforme liturgique fut un service du peuple en tant que relecture de l’Évangile à partir d’une situation historique concrète. » Pour autant, le pape François tolère fort bien l’existence, dans la FSSPX et en dehors d’elle, de la liturgie ancienne, à laquelle il n’accorde en fait aucune attention particulière.
Réduire la liturgie tridentine à la marginalité
Il en va tout autrement de Pietro Parolin. Sa ligne est celle développée dans une série d’articles très agressifs par le professeur Andrea Grillo, qui enseigne à l’Université Pontificale Saint-Anselme, à Rome. Grillo, et Parolin avec lui, estiment que Summorum Pontificum constitue une aberration dans le monde de Vatican II, en mettant sur le même pied théorique deux formes liturgiques, celle correspondant au Concile de Trente et celle issue du Concile Vatican II. L’analyse de Parolin et de Grillo est partagée par un groupe d’influence qui, autour du Secrétaire d’État, travaille activement dans le même sens : le cardinal Stella, Préfet de la Congrégation pour le Clergé, le cardinal Vallini, qui a été Vicaire de Rome jusqu’en 2017, le cardinal Versaldi, Préfet de la Congrégation pour l’Éducation, ancien président de la Préfecture des Affaires économiques et qui, comme tel, a puissamment aidé le cardinal Parolin pour torpiller la réforme financière menée par le cardinal Pell, et le redoutable Mgr Carballo, Secrétaire de la Congrégation pour les Religieux, dont nous avons parlé dans un article précédent.
La volonté de Parolin et de ses amis est de ramener au droit commun la nébuleuse Ecclesia Dei, pour laquelle le motu proprio de 1988 avait créé un état d’exception. En outre et lorsque c’est possible, en Italie notamment, il s’agirait de réduire pratiquement la célébration de la messe tridentine, les évêques, et les évêques seuls, ayant à gérer le plus parcimonieusement possible sa célébration. Le pape, quant à lui, n’a guère d’opinion sur la question, mais n’ayant d’yeux que pour la FSSPX, il pourrait aisément se laisser convaincre de ramener tous les traditionalistes sous un régime de marginalité lefebvriste, comme le suggère aussi Grillo.
La grande affaire présente est ainsi d’organiser le passage des sociétés de vie apostolique de droit pontifical vouées à la célébration de la forme extraordinaire, que sont la Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Christ-Roi Souverain-Prêtre, l’Oratoire de Berlin, l’Institut du Bon Pasteur, la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, etc., de la vigilance bienveillante de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a hérité des compétences de l’ancienne Commission Ecclesia Dei, à celle de la Congrégation des Religieux dominée par Carballo. Le dossier doit être incessamment examiné par une réunion inter-dicastères présidée par le Secrétaire d’État, le but ultime étant de contraindre ces instituts à la célébration de l’une et l’autre liturgie.
La honte et le scandale dans l’Eglise doivent beaucoup à ce cardinal.
Mais nous n’en serions pas là si les cardinaux “modérés” sur lesquels comptent les traditionnels “ralliés” n’étaient pas aussi lâches.
Ils peuvent bien porter l’habit rouge mais Jésus-Christ rougira d’eux.
Prions, nous les fidèles, pour que la hiérarchie catholique revienne à la foi mais aussi pour se préparer à de grandes souffrances que celle-ci nous aura infligés à raison de pasteurs qui nous ont abandonnés dans ce monde où le diable se montre puissant aujourd’hui.
On invente le sacrement de collégialité et on supprime le sacrement eucharistique (communion eucharistique = communion spirituelle).
De mieux en mieux.
Votre article gagnerait à citer ses sources. C’est même une obligation morale pour certaines de vos affirmations. Dire que le Saint-Siège a signé l’accord avec la Chine contre de l’argent est une accusation extrêmement grave. Certes, il ne s’agit pas de passer sous silence ce que le Saint-Siège ne fait pas bien, ni de ne pas donner son avis sur tel ou tel acte du pape, encore qu’une certaine retenue serait souhaitable pour un catholique. Mais de là à instiller à vos lecteurs l’idée que le Saint-Siège serait capable de vendre l’Eglise chinoise au parti communiste, il y a tout de même un monde. Au-delà de la faute morale, au sens propre du terme, que cela constitue, c’est un manque de rigueur qui donne raison à ceux qui prétendent que vous propagez de fausses nouvelles, et cela ne joue pas en votre faveur. On aimerait donc bien savoir qui sont ces “voix autorisées” qui “assurent que les contreparties chinoises ont été, et sont toujours, importantes. Mais d’un autre ordre que spirituel”.
Le cardinal Sarah ne se prénomme pas Joseph mais Robert . Et il est peu probable que les cardinaux de curie soient des “papabiles” crédibles lors du prochain conclave.
La Chine est entrain de réécrire la Bible et l’Evangile parce que les Ecritures sont incompatibles avec le progressisme communiste marxiste chinois. https://www.christianpost.com/news/china-trying-to-rewrite-the-bible-force-churches-sing-communist-anthems.html
Des églises sont démolies, des chrétiens persécutés parce qu’ils enseignent le catéchisme à leurs enfants, des prêtres sont en fuite, obligés de se cacher.
Silence radio total du Vatican, du cardinal Parolin et aussi, triste à dire, du Pape François.
La ligne du parti c’est: “On continue avec les accords de 2018”. Pire, le Vatican vient de les renouveler:
https://www.la-croix.com/Religion/vatican-chine-accord-nomination-eveques-2020-09-15-1201114122
Le seul à s’y être opposé est le Cardinal Zen, archevêque de HonKong, bâillonné, réduit au silence par devoir d’obéissance.
Qui pourra expliquer cet engouement enchinoisé, cet aveuglement hautement suspect du Vatican pour un pays qui ne respecte rien, ni son peuple, ni sa parole, ni la Terre entière après avoir contaminé la planète par une nième maladie provenant de son territoire et qui s’en lave les mains ?
Je sais qu’il y a une tendance pro-Vatican II & anti-Vatican II… Irrémédiablement, il va falloir rallier les deux camps & je crois que c’est possible avec de la bonne volonté d’un côté comme de l’autre…
Dieu garde Son Eglise! ! !
Mgr Pena Parra n’est pas discuté, il est accusé par Mgr Vigano d’avoir violé deux mineurs et d’être impliqué dans deux morts suspectes :
https://cruxnow.com/news-analysis/2019/08/case-of-papal-aide-captures-risks-of-weaponizing-sex-abuse-charges/
https://insidethevatican.com/news/newsflash/letter-39-2019-allegations/
Tant que ces faits n’ont pas été prouvés, cela reste des allégations. Cependant, c’est un doux euphémisme que de dire que ce monsignore est “discuté”. “accusé”, “suspecté”, “dénoncé” paraissent des termes plus exacts. Pour l’amour de la langue française, et celui de la sainte Eglise – plaise à Dieu qu’un jour une enquête innocente ce prélat !