Canon 522 du Code de Droit Canonique :
Le curé doit jouir de la stabilité et c’est pourquoi il sera nommé pour un temps indéterminé; l’Évêque diocésain ne peut le nommer pour un temps fixé que si cela a été admis par un décret de la conférence des Évêques.
Pourtant, en France, tous les six à neuf ans, un curé est nommé par son évêque dans une nouvelle paroisse.
Sur Famille chrétienne, Benjamin Coste souligne que cette pratique suscite de plus en plus de critiques de la part des pasteurs eux-mêmes.
Comme nous le relayons sur Riposte Catholique, chaque année, de nouvelles nominations diocésaines sont publiées. En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, l’usage est de nommer un curé pour six ans, renouvelable ou plus souvent prolongé de trois ans. Une pratique qui date en gros du dernier concile. Depuis quelques années, l’usage est remis en cause par une partie du clergé français. L’abbé Dedieu, curé depuis 9 ans des paroisses Saint-Urbain de La Garenne-Colombes et de Sainte-Marie-des-Vallées de Colombes (diocèse de Nanterre), raconte :
« En 2018, le sujet a été abordé lors de la journée que le congrès Mission dédié aux prêtres. Un des intervenants a posé cette question : connaissez-vous la différence entre un chêne et un bonzaï ? Le premier a pu croître, tandis que l’autre est resté tout petit, car on n’a cessé de le déraciner pour le mettre dans un pot plus petit. Il en va de même avec les curés qui ne cessent de passer d’une paroisse à une autre. Des applaudissements sont spontanément montés de l’assemblée ».
Jusqu’à ce jour, il ne s’était jamais interrogé sur la question de la légitimité de cette pratique.
« Je me disais : il y a une règle, un point c’est tout. »
L’abbé Dedieu, toujours en soutane, travaille actuellement ces questions pastorales dans un cadre universitaire :
« Les curés ont besoin de plusieurs années pour bien connaître leurs paroissiens, savoir quels sont les talents des uns et des autres ».
« Comment lancer un projet pastoral quand on ne sait pas si on sera encore là dans deux ans ? ».
Le Père Mario Saint-Pierre, prêtre québécois accueilli dans le diocèse de Fréjus-Toulon, estime que le changement permanent affaiblit les paroisses. Il a beaucoup étudié la théologie de l’Église en croissance, notamment chez des auteurs évangéliques tels que le pasteur Donald McGavran.
« Ces études montrent que les communautés qui changent de leaders avant cinq ans ne connaissent pas de croissance ».
Et si c’était le but ? Avec la cléricalisation des laïcs, lesquels ne changent pas souvent de paroisse, les prêtres deviennent de paroisses aux mains de laïcs indéboulonnables. Et gare au curé qui s’aviserait de reprendre la direction de sa paroisse… Mais les temps changent. Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France, est opposé à cette pratique :
« L’organiste est là depuis quarante ans, la catéchiste depuis trente, tout comme le diacre permanent et son épouse ! Ceux-là semblent inamovibles. En cas de problème, l’évêque n’a alors qu’une solution : déplacer le curé qui fait office de fusible ! »
« [Cette pratique] induit que les curés sont interchangeables, comme des fonctionnaires. Or, le prêtre est un père pour ses paroissiens. »
Les changements fréquents de curés entraînent une « insécurité pour les paroissiens », voire des « traumatismes » ! Du côté des prêtres, Mgr Macaire évoque la difficulté de devoir repartir de zéro tous les six ans… « Au fond, ce débat pose une question essentielle : qu’attend-on des prêtres aujourd’hui ? » Le curé est le « pasteur propre » de la paroisse. Il accomplit « les fonctions d’enseigner, de sanctifier et de gouverner » (canon 522). Il veille ainsi à la bonne santé de sa paroisse et à sa croissance.
« Lorsque j’installe un curé dans une paroisse, je lui dis qu’en principe, c’est sine die ».