Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, signe une tribune dans La Croix pour opposer, dans une hallucinante logique dialectique, les catholiques qui ont milité pour le retour des messes publiques, de ceux qui se sont occupés des malades :
[…] Est alors venue une action devant le Conseil d’État pour un rétablissement de la liberté de culte. Le grand intérêt de cette initiative est de nous avoir donné un arrêt du dit Conseil, très important à propos des cultes. Autre intérêt, surtout symbolique : elle a permis de gagner quelques jours sur le calendrier qui se négociait déjà.
On peut alors s’interroger sur les effets de cette action. Elle a, bien entendu, produit une satisfaction assez générale. Le signe donné par Jésus de la communion avec Lui et entre les baptisés était à nouveau accessible. Mais ce signe de communion est paradoxalement devenu le motif de comportements qui interrogent. La satisfaction s’est parfois muée en immodestie, voire en mépris, particulièrement sur les réseaux sociaux. Au début du Carême, Jésus nous invitait pourtant à la conversion et à l’action discrète et modeste pour la joie du Père. Et la Pentecôte nous a rappelé la manifestation authentique de l’Esprit, entre autres par la paix, la douceur, la bienveillance. Certains analystes observent que cette action signe la marginalisation de l’Église catholique dans la société. Quand on use de méthodes de syndicats ou de partis, on consent d’une certaine manière à en être un.
Mais surtout on peut s’interroger sur les enjeux d’une telle mobilisation d’énergie pour le retour du culte et le peu d’investissement dans ce qui pourrait sembler un enjeu bien plus fondamental. En effet, qu’est-ce que le jeûne eucharistique à côté du drame de tant de personnes qui, malgré le dévouement des soignants, ont dû affronter la mort dans la solitude, sans le soutien de leur famille, de leur Église, dans les hôpitaux, les Ehpad ? Qu’est-ce que la déshumanisation de la mort alors que la manière de traiter les morts est un des signes majeurs qui fonde et qualifie l’humanité ? Le « tout sanitaire », légitimé par un discours scientifique et technocratique dont on a pu observer les errances, devient-il l’horizon indépassable de l’humanité nouvelle qui autorise la restriction des libertés et des droits les plus fondamentaux ?
Sur cette question de la mort « volée », personne pour exciter les réseaux sociaux, personne pour mobiliser des juristes, peu de monde pour évoquer l’abandon de ceux qui sont partis sans bruit. Si nous ne voulons pas d’un nouveau déclassement de l’humanité, n’y a-t-il pas là une vraie cause à défendre ?
Et après les évêques viennent pleurer pour que les fidèles financent leur denier du culte…