La loi socialiste ouvrant aux femmes en Espagne un plein droit à l’avortement jusqu’à 14 semaines de gestation (en France, c’est 12 semaines) a été votée jeudi par 184 députés sur les 343 présents au Congrès, soit 8 petites voix de plus que le minimum requis de 176. 158 députés ont voté contre : ceux du principal parti d’opposition, Partido Popular, de la Coalition des Canaries, de l’Union démocratique de Catalogne, quatre sur six élus de Convergence et les élus UPN (Union du peuple de Navarre) et UPyD Une seule élue s’est abstenue. Au résultat, toute la gauche a applaudi.
Pendant ce temps Zapatero s’envolait pour Copenhague pour « sauver la planète »…
Le texte doit maintenant passer devant le Sénat avant son adoption définitive en deuxième lecture par le Congrès.
Pendant les débats et les commissions qui ont précédé le vote, le texte d’origine a été aggravé, comme le signalait avant le vote l’élu PP Santiago Cervera : non seulement l’avortement y est totalement libre jusqu’à quatorze semaines, mais les conditions initialement prévues pour les avortement « médicaux » ou liés à un « risque psychologique » pour la mère ont été allégées, l’avis d’un médecin étant suffisant au lieu des deux prévus par le texte initial. On retombe ainsi dans le régime actuel qui a donné lieu à tant d’abus et que la nouvelle loi – disaient ses partisans se réclamant du christianisme – allait améliorer.
Si l’obligation d’informer au moins un des deux a été maintenue pour les mineures de 16 et 17 ans contrairement à ce que prévoyait le texte initial, l’amendement en question ouvre largement une porte de sortie car il suffira que la mineure fasse oralement état d’un conflit familial pour pouvoir s’y soustraire.
A également été ajoutée pour les étudiants en médecine l’étude obligatoire de la pratique de l’avortement. Quant aux informations à donner aux femmes voulant avorter, elles leur seront données dans une enveloppe fermée et non de vive voix.
La loi s’intitule officiellement « Loi organique de santé sexuelle et reproductive et d’interruption volontaire de la grossesse ». Si heureusement le texte distingue clairement entre les deux notions – l’inclusion de la seconde dans la première fait l’objet d’une bataille sournoise dans la sphère du droit international – elle impose aussi « l’éducation sexuelle » à tout va, à tous les niveaux et sous le contrôle de l’Etat, et pose en droit l’accès universel aux moyens contraceptifs financés par les autorités publiques. Elle évoque dans son préambule la résolution du Parlement européen 2001/2128 qui recommande aux Etats membres la conduite à tenir en ces matières en déplorant entre autres l’inégalité dans l’accès à l’« IVG ».
On y parle notamment d’un « droit à la maternité librement décidée » dans le cadre d’une « vie sexuelle en pleine sûreté », qu’on atteindra grâce à une « éducation sanitaire intégrale et dans une perspective de genre sur la santé sexuelle et la santé reproductive » fournie à tous mais « spécialement aux jeunes » par les « pouvoirs publics ».
« L’accès garanti à l’interruption volontaire de grossesse » suppose une « interprétation favorable pour la protection et l’efficacité des droits fondamentaux de la femme qui sollicite l’intervention, en particulier son droit au libre développement de la personnalité, à la vie, à l’intégrité physique et morale, à l’intimité, à la liberté idéologique et à la non discrimination », affirme le texte.
Le journal La Razon signale l’attitude ambiguë du Parti nationaliste basque (PNV) qui tout en se déclarant favorable au « non » à l’avortement a voté le texte, ses six élus contribuant ainsi fortement à le faire passer, en se congratulant sur sa propre « vaillance » qui l’a conduit à « ne pas se permettre le luxe de fermer les yeux devant l’avortement ». D’autres catholiques affirmés (deux du CIU, le socialiste catholique Bono) ont achevé de faire pencher la balance.
Le « quotidien de référence » à l’espagnole, El Pais (« Le Monde ») a salué le vote « consensuel » et la « large avance » des oui pour cette loi qui met l’Espagne au même niveau que la plupart des autres pays européens ; une « loi qu’il aura fallu attendre 24 ans ». Heureux que l’objection de conscience ait été réservée aux seuls individus, le quotidien commente : « Seul le temps dira si l’on arrivera ainsi à casser la dynamique actuelle de certains hôpitaux et de communautés autonomes entières où pas une seule intervention n’est pratiquée ». L’autonomie c’est bien, mais jusqu’à un certain point seulement… El Pais estime enfin que le résultat obtenu « démontre la perte d’influence de la Conférence épiscopale espagnole qui a sorti l’artillerie lourde contre le projet gouvernemental ».