Dans Famille chrétienne, Mgr Matthieu Rougé, ancien aumônier des parlementaires et aujourd’hui évêque de Nanterre s’est réjoui de la décision du Conseil d’Etat, qui a jugé
« important et réjouissant que le Conseil d’Etat rappelle avec force que « la liberté de culte, qui est une liberté fondamentale, comporte également parmi ses composantes essentielles le droit de participer collectivement à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte ».
« Grâce à ce cadre juridique clairement rappelé, nous allons pouvoir avancer vite ».
Voilà qui tranche légèrement avec le communiqué laconique de la CEF. Et le journaliste Samuel Pruvot l’a relancé, sur la question, mal formulée, de savoir s’il n’était pas « dangereux de laisser à des associations traditionalistes le soin de défendre la liberté de culte pour les catholiques ». S’il avait écrit “surprenant“, “curieux” ou “étonnant” à la place de “dangereux“, cela aurait été bienvenu…
Mais Mgr Rougé a répondu :
« Comment ne pas saluer la détermination des acteurs de ce processus juridique ? J’ai eu l’occasion d’être en relation avec plusieurs d’entre eux. Sans doute est-il plus facile pour des groupes particuliers de faire une telle démarche que pour ceux qui ont la charge de l’institution tout entière. Je me demande cependant si nous ne manquons pas de culture juridique : un recours devant le Conseil d’Etat n’est agressif pour personne. Il permet tout simplement un discernement serein et rationnel face à une différence d’analyse. »
Comme indiqué ce matin, la justice est pourtant une vertu.
Et Jeanne Smits souligne dans une analyse de l’ordonnance :
La décision est aussi une claque pour les évêques de France et leur « conférence » qui a fini – comme le montre de manière éclatante cette affaire – par phagocyter le pouvoir d’appréciation et de gouvernement de chaque évêque dans et pour son diocèse –, qui se sont délibérément abstenus d’attaquer le décret du 11 mai devant les tribunaux.
Et si les évêques reprenaient leur pouvoir ? Maintenant que le Conseil d’Etat leur a redonné celui de célébrer en public, ils pourraient aussi gouverner. Car comme l’écrit Jean-Pierre Maugendre,
Tout cela laissera des traces.
Une partie des fidèles, qu’il encore difficile de quantifier, se sont sentis abandonnés par leurs pasteurs. Sans parler de tout ceux qui ont eu la nette impression de ne pas avoir la même foi catholique dans le Saint-Sacrement… :
La confiance s’est effritée. Après avoir observé que leurs amis paroissiens des communautés traditionnelles vivaient un confinement liturgique, physique ou virtuel, disons plus audacieux, que dans leurs paroisses ils constatent que la liberté de culte leur est rendue grâce à l’action de ces mêmes communautés ou de leurs proches. Certains s’interrogent. D’autres ont déjà franchi le pas, rejoignant les dites communautés.
Dans Le Figaro, Jean-Marie Guénois insiste sur le caractère castrateur de la CEF :
Ils sont une centaine, réunis au sein de la Conférence épiscopale. Cette instance de décision fonctionne de manière éminemment collégiale. Les aspérités, les personnalités, les grandes intuitions y sont souvent réduites à néant. Tout comme l’audace et parfois… le courage. La décision annoncée lundi par le Conseil d’État donnant «injonction» – donc obligation absolue! – au gouvernement de rétablir les cultes en France parce qu’il a atteint de façon «grave et manifestement illégale» à la «liberté de culte» pourrait sonner comme un camouflet pour cette institution qui n’a pas osé déposer une requête en ce sens. […]
La Conférence des évêques s’était pourtant publiquement fâchée, le soir du 28 avril, face au «mépris» et à «l’indifférence» affichés, de son point de vue, à l’égard des religions, par Édouard Philippe, devant l’Assemblée nationale. Mais elle a estimé qu’un dépôt de requête au Conseil d’État serait contre-productif. Elle a cru que la «négociation» qu’elle menait pour obtenir la reprise rapide des cultes suffirait. Elle n’a pas vu que le chef du gouvernement ou le président, parlant avec «les religions» , n’accorderaient rien, laïcité oblige, aux «catholiques» en tant que tels.
C’est une erreur. S’impliquer dans une requête au Conseil d’État, loin de trahir une négociation entre gens biens élevés – évidemment nécessaire – aurait au contraire assis et crédibilisé le sérieux et de sa démarche. Sans froisser personne, ce recours juridique objectif situait la gravité de l’enjeu. Il donnait un poids institutionnel à l’Église que beaucoup lui dénient aujourd’hui.