Lettre pastorale de Mgr Lagleize aux fidèles de la Moselle :
Chers frères et sœurs,
Depuis lundi nous sommes entrés dans une phase d’assouplissement du confinement et nous percevons que cette période s’annonce difficile à mettre en œuvre.
Il est important de souligner qu’en matière de santé publique, le gouvernement a prévenu que nous étions dans un temps d’essai et d’expérience et a cru bon, conformément aux avis scientifiques de renvoyer, à une date ultérieure, certaines ouvertures dont celle pour les cultes.
Ce faisant l’État agit dans son ordre en prenant des mesures qui ne sont pas attentatoires mais prudentielles. Il est important de rappeler que la liberté de religion n’est pas atteinte. Nous pouvons continuer à prier – le Premier ministre a rappelé que les églises peuvent être ouvertes – nous pouvons échanger par les moyens de communication et y annoncer l’Évangile et surtout nous continuons à exercer une charité active.
Il nous faut envisager sereinement et prudemment la reprise des célébrations dans nos églises et des activités pastorales quand le Premier ministre nous donnera son accord ; c’est pourquoi, en concertation et avec l’accord des Autorités préfectorales, j’ai pris certaines décisions qui ont été communiquées à vos curés samedi 9 mai.
Une de ces décisions prend effet dès le 11 mai : les obsèques peuvent être célébrés dans les églises en respectant les normes édictées.
Certes, nous sommes tous impatients de retrouver nos assemblées.
Je pense particulièrement aux catéchumènes que j’ai appelés à recevoir les sacrements de l’Initiation chrétienne le 1er mars, je pense aux confirmands, je pense aux familles en deuil qui désirent prier avec une assemblée, je pense aux parents qui devaient célébrer le baptême de leur enfant ainsi qu’aux personnes qui sont contraintes de choisir une autre date pour leur mariage.
Vous êtes nombreux à avoir faim de l’eucharistie. Ce temps de pandémie nous permet d’approfondir notre foi.
Dieu agit au-delà de nos signes, Dieu agit au-delà des sacrements. Le Concile rappelle que l’Église est « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu » Vatican II, LG, 1 ; GS 42.
Benoît XVI, dans l’Exhortation apostolique « Le sacrement de l’amour », insiste sur la forme eucharistique de la vie chrétienne, en reprenant les paroles de saint Paul : « Je vous exhorte mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir vos corps en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est le culte spirituel que vous avez à rendre. » Rm 12,1. Ce culte nouveau c’est « l’offrande totale de la personne en communion avec toute l’Église. » n°70.
Cette communion, n’est-ce pas ce que beaucoup de fidèles vivent en soignant les malades, en rendant des services à leurs parents ou voisins âgés ou malades, en accompagnant leurs enfants au quotidien, en pratiquant une multitude de services bien souvent invisibles… ?
Je cite à nouveau Benoît XVI : « le culte rendu à Dieu dans l’existence humaine ne peut être cantonné à un moment particulier et privé, mais il tend par nature à envahir chaque aspect de la réalité de la personne. Le culte agréable à Dieu devient ainsi une nouvelle façon, de vivre toutes les circonstances de l’existence où toute particularité est exaltée en tant qu’elle est vécue dans la relation avec le Christ et offerte à Dieu. » n°71.
Cette faim de l’eucharistie, que certains d’entre vous vivent comme une épreuve, doit nous permettre de découvrir ou de redécouvrir que l’eucharistie n’est pas une « affaire » personnelle. Il ne s’agit d’avoir « ma messe », « ma communion ».
Dans l’Exhortation « Le sacrement de l’amour » nous lisons : « la forme eucharistique de l’existence chrétienne est sans aucun doute une forme ecclésiale et communautaire » n°76.
Nous pouvons demander à Dieu que cette faim de l’eucharistie porte du fruit : que nous découvrions encore mieux le lien entre Parole de Dieu et Eucharistie, que nous percevions comment toute église domestique est toujours reliée à la grande Église du Christ, que nous recevions un goût renouvelé pour participer à la messe dominicale, que nous ne recevions jamais la communion pour nous seuls, mais pour porter la paix et la joie du Christ ressuscité et pour nous engager au service des autres.
J’ai souvent médité durant ces dernières semaines sur les derniers jours de Blaise Pascal : gravement malade il ne peut plus recevoir la communion, alors il demande :
« Puisqu’on ne veut pas m’accorder cette grâce, je voudrais y suppléer par quelque bonne œuvre, et ne pouvant communier dans le Chef, je voudrais bien communier dans les membres, et pour cela j’ai pensé avoir céans un pauvre malade à qui on rende les mêmes services qu’à moi. Car j’ai de la peine et de la confusion d’être si bien assisté, pendant qu’une infinité de pauvres, qui sont plus mal que moi, manquent des choses nécessaires… Cela diminuera la peine que j’ai de ne manquer de rien, et que je ne puis plus supporter, à moins que l’on ne me donne la consolation de savoir qu’il y a ici un pauvre aussi bien traité que moi ; qu’on aille, je vous en prie, en demander un à M le curé. » in Louis Frouart, Prier 15 jours avec Blaise Pascal, Ed. Nouvelle Cité, p. 107.
En 2013, le Pape François invitait l’Église à être « un hôpital de campagne, pour soigner les blessures et réchauffer le cœur des fidèles » : cet appel est d’une brûlante actualité.
Je remercie toutes celles et ceux d’entre vous qui, sans attendre, se sont mis au service des autres. Que de belles initiatives se sont mises en œuvre dans les paroisses ! Certes, il est important de nourrir la prière et la vie spirituelle des fidèles, merci aux prêtres qui peuvent le faire par leur maîtrise des moyens de communication.
Mais il est tout aussi important de mettre en œuvre des soutiens pour nos concitoyens qui connaissent des épreuves, la solitude, les difficultés économiques.
Je remercie Caritas Moselle, le Secours Catholique, les Conférences Saint Vincent de Paul, les Équipes Saint Vincent, l’Ordre de Malte et leurs bénévoles qui, avec d’autres organismes, n’ont pas ménagé leurs efforts pour répondre avec les services sociaux et d’autres mouvements aux urgences qu’engendre cette pandémie.
J’ai demandé au Service diocésain de la Charité, avec la participation des responsables de Caritas Moselle, du Secours Catholique, des Conférences Saint Vincent de Paul, des Équipes Saint Vincent et de l’Ordre de Malte, de rédiger un document qui nous donnera des orientations et des propositions afin de vivre la diaconie dans nos paroisses et dans nos vies personnelles.
Nous le percevons : les mois à venir vont connaître un surcroit de détresse humaine, psychologique, économique, conjugale, familiale. J’insiste pour que, dans les communautés de paroisses et les archiprêtrés, la mission 4 de notre Projet pastoral : la mission de la diaconie devienne la mission prioritaire.
Dans l’homélie 50 sur Matthieu, saint Jean Chrysostome proclame : « Voulez-vous rendre honneur au Corps du Sauveur ? Ne le dédaignez pas quand vous le voyez couvert de haillons, après l’avoir honoré dans l’église par des vêtements de soie, ne le laissez pas souffrir du froid et dans le dénuement. »
Chers frères et sœurs, en ce mois de mai, que la présence maternelle de la Vierge Marie nous accompagne tous, afin que nous avancions ensemble dans la joie et la paix soutenus par la prière et la charité des uns et des autres.
à Metz le 13 mai 2020, en la fête de Notre-Dame de Fatima.
+ Jean-Christophe LAGLEIZE, Évêque de Metz