Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, répond à Pauline de Préval sur Atlantico. Extraits :
Le gouvernement a interdit la reprise de la célébration publique de la messe après le 11 mai. Comment avez-vous réagi à cette décision ?
Je n’ai pas compris, puisque tous les commerces rouvraient peu à peu. Cela me paraît un abus de pouvoir. L’Etat n’a pas se mêler de la manière dont nous vivons le culte. Il doit être garant de sa liberté. Or si on ne peut pas participer à l’eucharistie, où est cette liberté ?
Le ministre de l’Intérieur, monsieur Castaner, a déclaré que la prière n’a pas forcément besoin de lieu de rassemblement ». Après tout, en effet, est-ce que chacun ne peut pas lire l’Evangile chez lui et prier dans son for intérieur ?
Il est vrai qu’on peut prier partout. En ce sens, Monsieur Castaner a raison quand il parle de la prière, mais il oublie ou il connaît mal ce qu’est la foi catholique. Notre foi est nourrie par les sacrements et particulièrement par l’eucharistie. La messe n’est pas juste un rassemblement, une écoute de la parole de Dieu et de son commentaire, comme à la synagogue ou à la mosquée. A la messe, c’est le Christ lui-même passé le la mort à la vie qui se rend présent dans l’eucharistie pour que nous soyons nourris de sa présence et que nous la portions au monde. Le pain et le vin deviennent son corps et son sang. Le célébrant, au nom de l’église, accomplit ce que le Christ a demandé le soir du Jeudi Saint : « Faites ceci en mémoire de moi. Ceci est mon corps. Ceci est mon sang », c’est à dire la venue sur l’autel de la présence réelle du corps et du sang du Christ pour que nous le recevions : « Celui qui mange ma chair a la vie en lui ».
L’eucharistie est donc un bien de première nécessité ?
Oui, c’est notre nourriture essentielle. Un besoin vital à la fois pour les fidèles et pour ceux qui célèbrent. Dans certains pays où la foi chrétienne est peu développée, des gens font des kilomètres pour aller communier. Beaucoup ont été martyrisés pour aller à la messe.
Pour pallier l’absence de célébration publique, certains prêtres ont pourtant célébré la messe devant une caméra. Pourquoi ne pas continuer ainsi ?
Comme vous dites, c’est un palliatif. Je le fais moi-même sur la chaîne YouTube de mon diocèse et beaucoup de gens s’en trouvent bien, mais cela ne suffit pas. Quand vous regardez un repas à la télévision, cela ne vous nourrit pas. De même, vous ne pouvez pas être nourri de l’eucharistie même si vous la suivez en direct. Nous, les prêtres, nous sommes au service non pas d’un Dieu virtuel, mais du Christ qui se rend réellement présent dans l’eucharistie. Lorsque je célèbre la messe, ce n’est pas moi qui agis, c’est le Christ. Et si je veux mettre les fidèles en communion avec lui, il faut qu’ils en vivent directement. Ma mission est de leur apporter la présence réelle. Zoom, WhatsApp, Skype, c’est bien, mais ce n’est pas la même chose que de serrer un être cher dans ses bras. […]