Heureux rappel de Mgr Marc Aillet. Demander aux autorités politiques un droit qui dépend de l’autorité ecclésiastique, c’est créer un précédent dangereux en matière de jurisprudence.
En soi, l’Eglise n’a pas à demander l’autorisation de reprendre le culte public, mais à faire valoir un droit à la liberté de culte, dans la mesure où les précautions sanitaires sont prises et que l’ordre public est compatible avec la reprise de secteurs entiers de la vie sociale
— Mgr Marc Aillet (@MgrMAillet) April 30, 2020
Dans un entretien avec le vaticaniste Marco Tosatti, Mgr Carlo Maria Viganò exprime une sainte colère face à la servilité de la Conférence des évêques d’Italie vis-à-vis des exigences du pouvoir qui interdit toujours les messes publiques dans le pays. Il rappelle que les évêques ne sont pas les pions des conférences épiscopales, mais pasteurs et responsables dans leurs diocèses, notamment lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits des fidèles à qui l’Eglise doit pouvoir donner les moyens du salut par les sacrements. Jeanne Smits a traduit cet entretien, dont voici un extrait :
[…] La juridiction sur les lieux de culte appartient donc pleinement et exclusivement à l’Ordinaire du lieu, qui décide en toute autonomie, pour le bien des âmes confiées à ses soins pasteur, des offices qui y seront célébrés et par qui. Il n’appartient pas au Premier ministre d’autoriser l’accès aux églises, et encore moins de légiférer sur ce que les fidèles ou le ministre du culte peuvent ou ne peuvent pas faire.
En outre, les déclarations sont nombreuses qui, faisant autorité et émanant d’éminents juristes et magistrats – mais aussi de la Cour suprême – soulèvent des doutes quant à la légitimité de légiférer par le biais de décrets du président du Conseil, en violation des droits supérieurs dont la prévalence est garantie par la Constitution de la République italienne. Sans même parler de la religion catholique, qui bénéficie d’une protection particulière en vertu de son statut spécial, la suspension du droit à la liberté de culte qu’impliquent les décrets du Premier ministre est clairement illégitime, et j’espère qu’il se trouvera quelqu’un pour bien vouloir le déclarer officiellement, mettant ainsi fin à ce délire inconvenant de toute-puissance de l’autorité civile non seulement devant Dieu et son Église, mais aussi devant les fidèles et les citoyens.
De nombreux fidèles et de prêtres se sont sentis abandonnés et bien peu protégés par la conférence épiscopale et les évêques.
Il faut préciser, pour éviter tout malentendu, que la Conférence des évêques n’a aucune autorité sur les évêques, qui ont pleine juridiction dans leur propre diocèse, en union avec le Siège Apostolique. Et cela est d’autant plus important que nous avons compris à quel point la CEI est trop conciliante, voire inféodée vis à vis du gouvernement italien.
Les évêques ne doivent pas attendre qu’un organisme sans juridiction leur dise quoi faire : c’est à eux qu’il appartient de décider comment se comporter, avec prudence et sagesse, afin de garantir aux fidèles les sacrements et la célébration des messes. Et ils peuvent le faire sans avoir à demander l’autorisation de la CEI et encore moins de l’État, dont l’autorité va jusqu’à la porte de nos églises, mais qui doit s’arrêter là.
Il est inouï que la Conférence épiscopale italienne continue de tolérer de tels abus, qui portent atteinte au droit divin de l’Église, violent une loi de l’État et créent un précédent très grave. Je crois aussi que le communiqué publié dimanche dernier représente la preuve du consentement du sommet de l’épiscopat, non seulement aux moyens mais aussi aux fins que ce gouvernement propose.
Le silence servile de la CEI et de la quasi totalité des Ordinaires, témoigne d’une situation de subordination à l’État qui est sans précédent ; elle a été perçue à juste titre par les fidèles et les prêtres comme une sorte d’abandon à eux-mêmes : elle se manifeste de manière emblématique à travers les cas d’incursions scandaleuses des forces de l’ordre dans les églises, pendant la célébration de la messe pour couronner le tout, avec une arrogance sacrilège qui aurait dû provoquer une protestation immédiate et très ferme de la part de la Secrétairerie d’État. L’ambassadeur d’Italie près le Saint-Siège aurait dû être convoqué, pour lui présenter une vive note de protestation en raison la très grave violation du Concordat par le gouvernement, tout en se réservant de rappeler le Nonce apostolique en Italie, au cas où la mesure illégitime ne serait pas retirée. […]
Ces derniers jours, S.E. Mons. Giovanni d’Ercole a lancé un sévère avertissement à Conte et au « comité scientifique » dans lequel il a intimé : « Vous devez nous donner le droit de pratiquer le culte, sinon nous le reprendrons. » Des paroles fortes et courageuses qui semblent suggérer un certain réveil des consciences chez les pasteurs.
Monseigneur D’Ercole a parlé en vrai évêque, avec l’autorité qui vient du Christ. Comme lui, j’en suis sûr, il y a beaucoup d’autres pasteurs et prêtres qui se sentent responsables des âmes qui leur sont confiées. Mais ils sont si nombreux à rester silencieux, davantage pour ne pas provoquer un soulèvement des âmes que par peur. C’est précisément en ce temps de Pâques que la parabole évangélique du Bon Pasteur résonne dans la liturgie ; Jésus y évoque également les mercenaires qui ne se soucient pas du salut des brebis : ne rendons pas vain l’avertissement divin et l’exemple du Sauveur, qui donne sa vie pour les brebis !
Je me permets de m’adresser à mes confrères de l’épiscopat : croyez-vous que, lorsqu’au Mexique ou en Espagne on a fermé les églises, interdit les processions, interdit l’usage de l’habit religieux en public, les choses ont commencé autrement ? Ne permettez pas que la liberté de l’Église soit entravée sous prétexte d’une supposée épidémie ! Ne le permettez ni de la part de l’État, ni de la part de la CEI ! Le Seigneur vous demandera de rendre compte des âmes qui sont mortes sans les sacrements, des pécheurs qui n’ont pas pu se réconcilier avec Lui, d’avoir interdit aux fidèles, pour la première fois dans l’histoire depuis l’édit de Constantin, de célébrer dignement la Sainte fête de Pâques. Vos prêtres ne sont pas des timorés mais des témoins héroïques, et ils souffrent par les ordres arbitraires que vous leur donnez. Vos fidèles vous implorent : ne restez pas sourds à leur cri ! […]
En Allemagne, ce sont les musulmans qui ont obligé l’Etat à autoriser le culte public. Un comble. La Cour constitutionnelle fédérale était saisie du cas d’une association musulmane dans le Nord de l’Allemagne qui contestait l’interdiction de la prière du vendredi dans une mosquée en plein ramadan par les autorités locales de Basse-Saxe. Les juges suprêmes lui ont donné raison et infirmé une décision d’un tribunal administratif qui s’était appuyé sur la législation en place interdisant les rassemblements, y compris religieux, en raison des risques de contamination. Ils ont aussi souligné que leur décision faisait jurisprudence et s’appliquait « à l’interdiction générale des services religieux dans les églises, mosquées et synagogues ».
La Cour a jugé « pas concevable » que les interdictions de lieux de culte ne prévoient pas des « exceptions pour ce type de services religieux », dès lors que des précautions sont prises. Surtout, les juges ont jugé que l’interdiction totale constituait une « grave intrusion dans la liberté de religion », garantie par la Constitution allemande. La sanction de la Cour constitutionnelle met du coup la pression sur les autorités allemandes pour assouplir rapidement les restrictions liées au nouveau coronavirus concernant les lieux de culte.