L’abbé de Jorna, supérieur du District de France de la Fraternité Saint-Pie X, revient dans sa lettre aux Amis et Bienfaiteurs pour Pâques (n°88) sur les différentes tempêtes qui secouent l’Eglise depuis de nombreux mois appelant à tenir bon, fermement attachés à la tradition catholique.
Tempête dans la sainte Eglise
C’est ce que nous voyons dans la sainte Église. A intervalles rapprochés, surgissent des scandales moraux ravageurs, mais aussi des initiatives doctrinales et pratiques venant du sommet même de la hiérarchie. Modification des lois du mariage, abolition au moins partielle du célibat ecclésiastique, « écologisme » forcené, transformation de la Curie romaine, déclarations aux médias étonnantes, époustouflantes, effrayantes parfois, appui à une immigration incontrôlée, dialogue interreligieux tous azimuts sont quelques-unes des initiatives troublantes jetées dans le public et dont nous avons été abreuvées depuis plusieurs années.
Dans une tempête, la puissance des bourrasques dépasse largement les capacités des marins, et il ne faut pas s’illusionner au point de croire qu’on pourra empêcher réellement par ses propres forces leur action destructrice. La seule chose possible et raisonnable est d’essayer de préserver tant bien que mal à la fois les hommes sur le bateau, et le bateau lui-même, principalement ses capacités de manœuvre. Dans cette situation de l’Église, nous ne devons donc pas prétendre, à nous seuls, changer radicalement la situation, qui nous dépasse et nous échappe, étant donné la disproportion entre nos petites œuvres et la puissance de la hiérarchie ecclésiastique (même si elle est, malheureusement, bien affaiblie aujourd’hui) renforcée de celle du monde.
Nous sommes ainsi condamnés à souffrir de ces bourrasques et, même si nous tentons de nous mettre à l’abri du mieux que nous pouvons, pour ne pas être emportés inopinément par une vague ou un coup de vent imprévu, nous subissons les conséquences inévitables de la situation. Le ministère des prêtres est rendu plus difficile, et il rencontre de plus en plus souvent des situations morales rigoureusement inconnues il y a encore vingt ans. La vie chrétienne des fidèles se heurte à des obstacles multipliés, à des tentations insoupçonnées il y a peu.
Il faut songer à nous protéger
Il faut donc songer d’abord et avant tout à nous protéger des influences délétères, sans cesser évidemment de prêcher l’Évangile et de témoigner du Christ, chacun selon notre vocation. C’est un équilibre toujours mouvant, pas forcément facile à trouver, qu’il faut conserver, afin de ne pas être détruit par une situation moralement dangereuse, tout en ne « s’enkystant » pas de façon lâche et égoïste. C’est ainsi, par exemple, que Mgr Lefebvre a eu cette magnifique intuition des prieurés, où les prêtres sont protégés du monde et peuvent refaire leurs forces physiques, mentales et spirituelles, avant de repartir en apostolat pour apporter aux âmes la lumière du Christ.
Il est indéniable que cette situation tempétueuse est comme l’effet de souffle de l’ouragan que fut le concile Vatican II. C’est pourquoi il convenait que la Fraternité Saint-Pie X ait demandé que soit de nouveau réalisé un travail doctrinal sur les questions controversées. Or Rome nous a clairement répondu il y a peu qu’il n’était pas envisagé pour le moment de revenir sur les questions doctrinales, qui sont pourtant le nœud de la question et verrouillent la question canonique, laquelle ne peut être que subséquente.
Bien entendu, cela ne nous empêche nullement de profiter de la bienveillance de tel ou tel évêque diocésain, qui nous permet d’exercer plus largement et dans des conditions meilleures notre apostolat entièrement fondé sur la Tradition, et ce sans aucune compromission de notre part. Puisque, selon la sentence de Louis Veuillot, « tout ce qui est catholique est nôtre », nous n’avons aucune raison de nous priver, si enfin on nous l’accorde sans contrepartie, de ce qui appartient au patrimoine de l’Église et peut profiter au bien spirituel des âmes.