Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Reims, répondait à Famille chrétienne, à la veille de la publication de l’exhortation du Saint-Père, parue hier :
En quoi la question de l’éventuelle ordination d’hommes mariés en Amazonie peut-elle concerner aussi la France ?
La France n’est pas l’Amazonie. Toutefois, le petit nombre de prêtres oblige beaucoup de diocèses à réduire le nombre de messes. L’Eucharistie est éloignée de beaucoup de gens. Or, ce qui édifie l’Église, selon la formule du cardinal de Lubac, c’est le mystère de l’eucharistie. La tentation est grande alors de chercher de nouveaux viviers pour en tirer des prêtres. Mais, s’il n’existe pas de substituts à l’Eucharistie, il existe cependant différentes manières de sanctifier le Jour du Seigneur. La vraie question est plutôt de comprendre pourquoi il y a un ministère ordonné.
En quoi le célibat sacerdotal serait-il menacé si demain on ordonne des diacres permanents dans certaines régions du monde ?
L’ordination engendre un lien spécial avec le Christ et la plénitude qu’il apporte. La tradition de l’Église est claire : les évêques ont toujours été pris parmi ceux qui vivent le célibat et la continence. Dans les premiers temps du christianisme, quand des hommes mariés devenaient évêques, on attendait d’eux qu’ils vivent la continence conjugale. C’est le trésor de l’Église et elle ne va pas y renoncer ! Certes, les Églises d’Orient ordonnent prêtres des hommes mariés… C’est une manière de faire. Elle distingue des prêtres de second ordre et des moines parmi lesquels sont pris les évêques. L’Église latine a choisi une autre voie. Ce n’est pas une question d’organisation et de temps. Il en va d’un choix spirituel qui a été fait dès le départ. Le ministère apostolique s’enracine dans l’existence de ces hommes que le Seigneur appelle à tout quitter pour le suivre, pauvres, chastes et obéissants. Quelle que soit la lettre du texte sur l’Amazonie, il faudra l’entendre comme un appel à mieux vivre la grandeur du sacerdoce. Le célibat sacerdotal est une grande chose dont le monde a besoin.
Cela dit, comprenez-vous la défiance qui s’est installée chez certains catholiques vis-à-vis du pape François ?
Beaucoup ont essayé, avec ferveur et dans la foulée de Jean-Paul II, de surmonter les ruptures d’après Vatican II. Ils ont pu croire qu’il serait possible de reprendre ensuite le fil de la vie chrétienne précédente. Mais ce n’est pas exactement ce qui s’est passé… […]