Paix Liturgique a interrogé Alexander Joseph Ranald Shaw, président de la Latin Mass Society of England and Wales,association qui oeuvre pour le développement de la messe traditionnelle (forme extraordinaire) outre-Manche depuis 1965. Il évoque notamment le développement de la forme extraordinaire en Angleterre et au Pays de Galles ces dernières années.
Extrait de la lettre du 8 janvier 2020 (n°728)
João Silveira (Paix Liturgique) – Il y a donc un climat favorable à la messe traditionnelle ?
Joseph Shaw – C’est selon. Au cours des dernières années, la pénurie de prêtres diocésains est devenue de plus en plus préoccupante. Les diocèses sont en difficulté, certains plus que d’autres, mais tous ont des problèmes parce que le nombre des séminaristes est partout insuffisant. Et le nombre des fidèles pratiquants lui aussi diminue. Même s’il n’y avait pas une pénurie de prêtres, nous assisterions de toute façon à des fermetures de paroisses et à des ventes d’églises, car il n’y a plus suffisamment de fidèles pour remplir des lieux devenus trop nombreux (Notamment dans les zones rurales). Alors, si on demande à des prêtres qui célèbrent trois, quatre ou cinq messes le dimanche, en passant d’une église à une autre, ils n’ont pas le temps de célébrer en plus une messe traditionnelle. De même que, du fait que la messe traditionnelle demandée, n’intéresse au début qu’un petit nombre de fidèles, l’évêque est enclin à concentrer ses forces sur le Novus Ordo.
Mais d’autre part, le mouvement de la baisse de la pratique et du manque de prêtres ouvre des opportunités qui sont liées à la question des églises inutilisées. Ce sont des églises désormais non desservies – certaines d’entre elles ayant une grande valeur historique – qui ont été attribuées aux instituts traditionnels, ou qui ont aussi été affectées à des Oratoires (1). Jusqu’à ce jour, il n’y avait que deux Oratoires en Angleterre, un à Londres et l’autre à Birmingham. Puis un autre a été fondé à Oxford, et aujourd’hui de nouveaux Oratoires sont en gestation à York, à Cardiff (dans le Pays de Galles), à Bournemouth et à Manchester. C’est une croissance extraordinaire, dont l’une des raisons est que les évêques ont à leur disposition de belles et importantes églises historiques dont ils ne savent que faire. Ils ne peuvent pas les fermer et les vendre pour les voir transformer par exemple en casinos, car tout le monde les critiqueraient, y compris les défenseurs du patrimoine et les autorités locales.
C’est ce qui s’est produit en faveur de l’Institut du Christ-Roi, auquel, dans le nord-ouest de l’Angleterre, une belle église a finalement été attribuée, la première qui ait été affectée à un institut. L’évêque avait d’abord voulu fermer l’église, car elle avait besoin de réparations qu’il ne pouvait prendre en charge, car la région est dépeuplée et le nombre de catholiques s’effondre. Mais cette décision a provoqué une levée de boucliers : il a été poursuivi devant les tribunaux ecclésiastiques, mis au pilori dans le journal local, convoqué par le député local. Il ne savait que faire et est arrivé sans rien décider à l’âge de la retraite. Le nouvel évêque a trouvé ce dossier brûlant sur son bureau : l’église était pratiquement en train de s’effondrer, et la population locale désespérée. Il a alors décidé de la confier à l’Institut du Christ-Roi et le problème a été résolu. L’Institut a été absolument fantastique avec ce qu’il a réalisé avec cette église, comme il le fait dans le monde entier, collectant des fonds et remettant l’édifice en état.
Cela s’est également produit avec une église située dans la partie de l’Angleterre la plus proche de la France, à Ramsgate dans le Kent, où saint Augustin était arrivé jadis pour évangéliser les Saxons, église où est célébrée aujourd’hui la messe traditionnelle.