Voici l’Homélie de Mgr Michel Aupetit prononcée lors de la messe de rentrée des parlementaires et responsables politiques à Sainte-Clotilde (Paris 7e) mardi 15 octobre, sit quelques heures à peine après le vote de la loi de bioéthique :
Si je vous dis 1515, vous me répondez : « Naissance de sainte Thérèse d’Avila ». Non ? Vous voyez comme chacun a ses références, chacun a ses certitudes. Pensons-nous vraiment qu’en 1515 il n’y a eu que la bataille de Marignan ? Qu’est-ce qui a eu le plus d’influence sur notre humanité ? Certes, Marignan a permis aux Suisses d’entrer dans la neutralité pour longtemps. Mais la réforme spirituelle de sainte Thérèse s’étend bien au-delà et sans doute de manière plus durable encore.
Ainsi la question se pose : comment ne pas enfermer la vérité à l’aune de nos connaissances ? Comment ne pas « faire obstacle à la vérité » comme le dit saint Paul dans la première lecture que nous venons de lire ? Arrivons-nous à penser que cette vérité est toujours plus grande que ce que l’on peut en percevoir ? Nos connaissances lèvent un coin du voile, mais le danger est toujours d’enfermer la vérité dans le champ étroit de ce que l’on peut en comprendre.
Les exemples sont nombreux même dans des sciences dures. Le théorème de Gödel dit « d’incomplétude » montre qu’il y a des domaines du réel qui sont indémontrables par les mathématiques. Le principe d’incertitude d’Heisenberg nous révèle l’impossibilité de connaître avec certitude les secrets de la mesure de la matière. De même en biologie, à la fin du 20e siècle, nous pensions que tout était déterminé par la génétique. Puis la découverte de l’importance de l’épigénétique qui joue un rôle important sur l’expression des gènes, a modifié cette perception. Aujourd’hui aussi on s’aperçoit que le tout épigénétique ne suffit pas à rendre compte des mécanismes de la vie. Toutes ces découvertes fantastiques risquent de nous rendre orgueilleux. L’orgueil nous rend prétentieux et la prétention nous rend dangereux. Nous pensions dominer la nature et voilà qu’elle meurt entre nos mains et par nos mains. Nous pensons maîtriser la vie et par la même redéterminer la filiation. Cette folie conduira encore aux mêmes errements et dangers que l’écologie dénonce aujourd’hui.
Y a-t-il un remède à cette dangereuse suffisance ? Écoutons le Pape François dans son encyclique sur l’environnement Laudato Si : « La meilleure manière de mettre l’être humain à sa place, et de mettre fin à ses prétentions d’être un dominateur absolu de la terre, c’est de proposer la figure d’un Père créateur et unique maître du monde, parce qu’autrement l’être humain aura toujours tendance à vouloir imposer à la réalité ses propres lois et intérêts »(75). Peut-on mieux dire ?
Nos découvertes sont remarquables et vraiment admirables. Mais il ne suffit pas de briller au regard du monde. Il ne suffit pas de « purifier l’extérieur de la coupe du plat en étant remplis à l’intérieur de nous-mêmes de cupidité et de méchanceté » (Lc 11,39) comme le dit le Christ. La vérité de notre cœur, la pureté de nos intentions seront jugées à l’aune de l’amour de Dieu. Alors nous ne pèserons pas lourd. Heureusement le Christ, de condition divine, a pris la place du pauvre que nous sommes tous. En le suivant sur ce chemin d’humilité, nous sommes sûrs de ne pas nous tromper de route et d’accueillir une vérité qui se livre dans l’amour et ne peut plus s’enfermer puisque, dit le psaume 84, « Amour et vérité se rencontrent ».
Nous avons la science, puissions-nous avoir la sagesse !
+Michel Aupetit, archevêque de Paris