Président de la Commission doctrinale de la CEF, Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors, est interrogé dans Famille chrétienne sur le célibat sacerdotal. Extraits :
En soi, rien n’empêche l’ordination des hommes mariés… Mais, en revanche, cette hypothèse ne me semble ni souhaitable ni opportune par rapport au bien de la communauté.
Mais ne faut-il justement pas ordonner des hommes mariés – des viri probati – dans des territoires comme l’Amazonie où les communautés n’ont pas accès à l’eucharistie ?
Il ne faut pas chosifier les sacrements… Évidemment, l’eucharistie est vitale pour une communauté chrétienne, et je suis le premier à célébrer la messe tous les jours, puisque cela m’est donné. L’enjeu n’est pourtant pas d’avoir son sacrement comme une dose quotidienne. Les sacrements sont liés à l’écoute de la parole de Dieu, explique Vatican II ; ce ne sont pas des actes magiques. L’Église ne nous fait pas l’obligation de communier tous les jours, mais au minimum une fois l’an. Sans doute sommes-nous un peu victimes, en Occident, d’une banalisation du mystère de l’eucharistie et de la présence du prêtre…
Pourtant, la proximité du prêtre semble une réalité capitale pour les fidèles ?
Nul n’est prophète en son pays… Ce proverbe n’est pas un dogme, puisque Jésus prêche en la synagogue de Nazareth ! Mais il rencontre une sérieuse résistance. Humainement, la proximité a ses limites. Certains prêtres sont restés cinquante ans dans le même lieu… Quand ils sont morts, la communauté est morte avec eux. Ils ont tissé de remarquables liens personnels et affectifs, c’est vrai. Mais ils étaient tellement identifiés à un peuple que cela a tout sclérosé. On peut toujours essayer de faire survivre des communautés, mais on n’est pas vraiment dans une dynamique missionnaire. La logique de la proximité, avec les viri probati, n’est pas évidente. La proximité fait perdre cette liberté de parole qui est nécessaire. Il est difficile de prêcher l’Évangile à des gens que vous connaissez trop bien…
Mais le Code de droit canon latin n’oblige-t-il pas les évêques à tout faire pour favoriser la distribution des sacrements ?
Certains voudraient faire dire au Code de droit canonique que les évêques doivent ordonner des gens mariés au nom de l’accès à l’eucharistie ! Ce code stipule, il est vrai, que les fidèles doivent avoir accès aux sacrements. C’est le devoir de l’évêque de faire en sorte qu’ils puissent participer à l’eucharistie. Je note cependant que ce Code ne précise pas la fréquence de la communion. Et c’est quand même le même code de l’Église latine qui impose la continence parfaite aux clercs !
Au nom de l’eucharistie, ne pouvons-nous pas imaginer des adaptations à cette règle ?
À propos de l’eucharistie, il faut se souvenir que le concile de Trente [chapitre 26, Ndlr] n’a pas voulu qu’on ordonne des prêtres pour juste dire la messe et recevoir des honoraires ! Le texte interdit l’ordination aux hommes qui chercheraient un gain matériel en se mettant au service par exemple de grandes familles aristocratiques. Ceux qui militent pour l’ordination d’hommes mariés défendent, sans s’en rendre compte, un certain retour au Moyen Âge ! Le concile Vatican II n’a pas voulu revenir à cette époque. Il a promu des prêtres pasteurs et non des prêtres domestiques d’une famille ou d’un lieu. […]
Ce n’est pas vraiment le moment d’ordonner des hommes mariés, alors que l’image du prêtre est complètement brouillée en Occident. C’est le rôle de l’Église et de la communauté d’appeler au sacerdoce. Mais si la communauté ne sait plus ce qu’elle veut, si elle est dans la confusion, il est certain que sa capacité d’appel sera diminuée. Tout le monde est affecté par ce brouillard. Dans mon diocèse, j’ai transmis aux prêtres les magnifiques catéchèses de Benoît XVI pendant l’Année du sacerdoce. L’Église a des trésors du point de vue de l’enseignement, mais ce dernier est souvent parasité par certains livres ou par certains effets d’annonce. […]