Le Père Thierry Magnin, nouveau Secrétaire général de la Conférence des évêques de France, s’est exprimé à propos du décès de Monsieur Vincent Lambert survenue le 11 juillet. Propos recueillis par Anne-Bénédicte Hoffner dans la Croix.
Quelle est votre première réaction à cette annonce ?
Le recueillement d’une part et une profonde tristesse d’autre part.
Recueillement devant la mort d’un homme durement frappé par un terrible accident et la grandeur d’une vie humaine quelles que soient ses conditions, une grandeur qui va tellement au-delà de tous les arguments en faveur ou en défaveur du choix que les médecins et la justice ont fait d’y mettre fin.
Une tristesse parce que le drame de l’accident se double d’un drame peut être pire encore, celui du déchirement d’une famille, intensifié par une bataille juridique qui paraissait sans issue.
Je pense aux parents de Vincent Lambert qui ont donné la vie à leur fils et l’ont défendue jusqu’au bout. Je pense aussi à son épouse. Elle a dû prendre une décision en voulant bien faire. Cependant certains arguments défendus par ceux qui se mettent dans « son clan » m’inquiètent vraiment. Toute cette famille a droit au recueillement, au respect et au calme.
Avez-vous un regret quant à la manière dont le sort de ce patient a été traité pendant toutes ces années par la médecine et par la justice ?
J’exprime ici juste un seul regret, même si j’en ai beaucoup d’autres. A travers l’instrumentalisation du déchirement d’une famille, on a entretenu la confusion en considérant le cas de Vincent Lambert comme celui de quelqu’un en fin de vie. Or il n’était pas en fin de vie, comme du reste beaucoup d’autres personnes dites en état de « vie végétative » et qui sont suivies dans des centres spécialisés qui ne sont pas des soins palliatifs. La notion d’acharnement thérapeutique souvent citée n’a pas lieu d’être ici, sauf à considérer que l’alimentation par sonde est un traitement démesuré !
L’Église a-t-elle fait tout ce qu’elle a pu ? Pourquoi n’a-t-elle pas été entendue ?
De nombreuses personnalités de l’Eglise catholique, des laïcs, des religieux, des prêtres et des évêques, ont clairement exprimé leur désapprobation du choix final retenu par la justice après bien des rebondissements. Je pense en particulier à la délicatesse pleine de fermeté de la prise de position de l’archevêque de Reims dans le sens du respect de toute vie. Mais il est difficile aujourd’hui à beaucoup de personnes dans notre société française d’entendre vraiment ce que dit l’Eglise catholique à ce sujet. On la taxe vite de « bio-conservatrice » parce qu’elle promeut la dignité inaliénable de tout être humain. Cette réaction est une manière de disqualifier d’entrée son message et de ne pas l’entendre dans toute sa profondeur. Or notre société est en grand manque de repères. Ainsi, ce qui a été dit de la foi supposée aveugle des parents de Vincent Lambert n’est pas acceptable, même si je comprends qu’on puisse ne pas y adhérer.
Et maintenant, que faire ?
Se recueillir, prier, puis, le moment venu, tirer les leçons qui s’imposent de ce drame pour ne plus le recommencer. Mais aujourd’hui, j’ose exprimer ici un rêve fou qui serait une vraie victoire de la vie plus forte que toute mort : que ce recueillement ouvre les cœurs à un chemin possible de réconciliation familiale, même si celui-ci s’avère long et difficile. La vie de Vincent Lambert le mérite bien !