Nous sommes au début du XVIIIème Siècle. La Chambre de Commerce vient d’être créée. La ville vit un printemps économique et social. Les armateurs et les marchands retrouvent les anciennes traditions commerçantes qui ont fait l’histoire de Marseille depuis les Ligures.
Or, en 1720, une épidémie de peste, sans doute apportée par le vaisseau “Le Grand Saint Antoine” qui arrivait du Levant, se répand à travers la ville et la transforme en un immense charnier. 38 000 victimes sur 75 000 habitants. Un témoin de l’époque écrira : “L’aspect de la ville est alors effrayant. De quelque côté que l’on jette les yeux, on voit les rues jonchées de cadavres”.
Monseigneur de Belsunce
Pour conjurer l’épidémie qui, tout en décroissant, ne cessait pourtant de faire de nouvelles victimes, l’évêque de Marseille, Monseigneur de Belsunce, sous l’inspiration d’une religieuse du Premier Monastère de la Visitation, Anne-Madeleine Rémuzat, résolut de consacrer son diocèse au Sacré-Cœur de Jésus.
Par mandement du 22 octobre 1720, il établit localement la fête du Sacré-Cœur “désormais célébrée tous les ans, le vendredi qui suit immédiatement l’octave du Très Saint-Sacrement”, mais sans attendre le mois de juin 1721, il annonça que la cérémonie serait célébrée dès le jour de la Toussaint, 1er novembre 1720.
Voulant apparaître comme le bouc émissaire chargé des péchés du peuple marseillais, il marcha, pieds nus, la corde au cou, la croix entre ses bras. Un autel avait été dressé sur le Cours. Entouré de son clergé diminué par la maladie, assisté par les fonctionnaires encore debout, entouré d’une population émue, l’évêque célébra la messe, puis prononça les formules par lesquelles il mit Marseille sous la protection du Sacré-Cœur.
Jusqu’à la fin de 1721, l’épidémie ne connut que des reprises sporadiques. Marseille pouvait se croire définitivement à l’abri. Cependant, la peste n’avait pas complètement disparu. En mai 1722, le nombre des personnes contaminées allait tous les jours croissant. Le 19, l’évêque écrivit aux échevins de Marseille, leur proposant de faire eux-mêmes “incessamment et sans cérémonie un vœu stable au divin Cœur de notre Sauveur”.
Telle est donc l’origine du Vœu des échevins. Le 4 juin suivant, le Premier échevin Moustier prononça solennellement la promesse dans la cathédrale où s’étaient assemblés tous les notables et fit l’offrande d’un cierge pesant quatre livres, ainsi que l’avait suggéré l’Evêque.
La peste finie, le Vœu ne cessa d’être accompli jusqu’à la Révolution. Les municipalités d’alors s’abstinrent d’y participer, mais la messe d’actions de grâces était célébrée, soit publiquement, soit clandestinement.
En 1807, le baron Antoine d’Anthoine, maire de Marseille, renoua avec la tradition prenant part à la cérémonie, à l’initiative de Monseigneur Champion de Cicé, archevêque d’Aix (l’évêché de Marseille n’étant rétabli qu’un 1823). En 1871, après la chute du Second Empire, la municipalité ayant refusé de continuer, une commission composée de divers catholiques se substitua au Conseil de Ville. L’année suivante, la Chambre de Commerce, à l’origine commission municipale, considéra qu’il lui incombait plus particulièrement de tenir la parole solennellement donnée en 1722.
Sur la proposition de son président Amédée Armand, elle décida, dans sa séance du 4 juin 1872, de prendre l’initiative de l’accomplissement de ce Vœu, “avec le concours du Tribunal civil et du Tribunal du Commerce et des délégués des divers corps constitués et corporations qui représentent le commerce, l’industrie et les arts libéraux de la cité”, ce qu’elle fit deux années d’affilée. A la suite d’une nouvelle défaillance municipale en 1877, la Chambre reprit le Vœu sans qu’il n’y eut de cesse jusqu’à nos jours, se chargeant de l’organisation d’une cérémonie religieuse marquée par l’offrande d’un cierge de cire blanche, orné de l’écusson de Marseille.
Après le Monastère de la Visitation, c’est la basilique du Sacré-Cœur qui accueille la cérémonie depuis 1986. Sous sa nef ornée d’une magnifique mosaïque rappelant la messe de 1720, le Vœu est accompli chaque année en présence des représentants de la municipalité et des institutions.
L’homélie de l’Archevêque est consacrée, lors de cette célébration, à un sujet de société.