Mgr Éric Aumônier, évêque de Versailles, proche de la retraite, a été interrogé sur le site de la CEF :
Venant de Paris, vous êtes arrivé à Versailles en 2001. Quelles ont été vos premières impressions ?
Ce qui m’a impressionné d’emblée, ce sont tous les contrastes. Dans ce diocèse, ils sont saisissants. Le département des Yvelines comprend en effet des agglomérations à la frontière de l’Ouest parisien, d’autres qui forment la vallée industrielle de la Seine, quelques villes nouvelles comme Saint Quentin-en-Yvelines qui représentent une réalité économique importante et d’autres secteurs de type plus rurbain voire ruraux avec de vastes zones boisées comme la région de Rambouillet ainsi que deux parcs naturels régionaux, celui de la vallée de Chevreuse et une partie de celui du Vexin. Versailles se situe à l’un des angles de ce triangle, centre administratif mais en aucun cas géographique. Les contrastes caractérisent également la population des Yvelines avec une grande concentration de cadres et, dans certains lieux, des populations plus mélangées avec une immigration extrêmement forte. Et pas seulement dans des cités populaires ! Cette mixité se retrouve à l’intérieur même des villes. Ainsi à Versailles les paroisses ont des visages extrêmement différents. Il y existe certes des sensibilités s’identifiant à certaines formes liturgiques, mais il faut dépasser l’image caricaturale de ce diocèse trop souvent réduit à son château et à un type de familles. Venant de Paris, j’ai trouvé ici une grande facilité dans les relations, une ouverture réelle à la société et une disponibilité, sans le stress permanent qu’on peut ressentir dans une société uniquement urbanisée. J’ajouterai un troisième élément d’hétérogénéité, celui des modes de vie. De très nombreux habitants travaillent en effet à l’intérieur des Yvelines, par exemple dans la recherche spatiale aux Mureaux ou le très important secteur automobile sur les deux sites majeurs d’assemblage et de R&D de Renault et PSA Peugeot Citroën, sans parler des plus de 150 entreprises couvrant les champs d’action de la filière. Mais les salariés ne sont pas moins nombreux à se rendre à Paris ; ce qui implique des déplacements importants. La circulation urbaine a extrêmement augmenté. Il est à signaler que ce département compte par ailleurs quatre établissements pénitentiaires.
Comment construit-on l’unité avec autant de disparités ?
C’est tout l’effort à entreprendre afin que l’entraide entre les communautés puisse s’établir à tous égards. Compte-tenu également de leur dimension pluri-ethnique, un des enjeux principaux est d’être au service de la communion, en nous attelant ensemble à la mission, à l’évangélisation par les œuvres de miséricorde !
Plusieurs événements ont permis d’avancer dans cette direction : les rassemblements diocésains qui ont eu lieu à Jambville et surtout le synode diocésain de 2010-2011. Celui-ci a mobilisé 25.000 personnes en équipes qui ont pu partager l’Évangile avec d’autres chrétiens et réfléchir au sens de leur baptême ainsi qu’à la charité en actes. Car le service concret de la vie de notre prochain ne peut jamais être séparé de l’annonce de l’Évangile. D’où ma décision de nommer un vicaire épiscopal pour la « Charité-Mission » pour aller encore plus loin en reliant ce qui ne doit pas être disjoint. Je n’ai plus de vicaires épiscopaux territoriaux. Cela va au-delà de la réorganisation, c’est de l’ordre de l’orientation. Dans le même esprit, l’École pour Servir l’Évangélisation (ESE) est directement reliée à la Diaconie, pas à la formation.
Une fibre sociale a toujours existé ici, mon prédécesseur de 1906 à 1931, Mgr Gibier, ayant créé l’action sociale de Seine-et-Oise et le département ayant été pilote en matière de logement social. Cette fibre sociale est dans nos gènes. Nous ne devons pas la perdre.
Vous avez décidé le 11 juillet 2006 de rouvrir le séminaire diocésain. Pourquoi et quels en sont les fruits ?
La fermeture était temporaire. À l’époque, il fallait repenser l’ensemble de la formation des séminaristes. Lorsque nous avons eu des rentrées conséquentes, j’ai pensé qu’il serait précieux que les jeunes postulants et séminaristes puissent vivre deux années de formation exigeante et humble au sein du diocèse, en 1er cycle de philosophie, dans la foulée de l’année de fondation spirituelle à la Maison Saint-Jean-Baptiste à Versailles renouvelée en septembre 2002. La tradition d’un séminaire diocésain étant très ancienne, nous pouvions nous baser sur cette mémoire. Le résultat en a été un bel investissement des prêtres et des laïcs, très impliqués dans cette formation. Je tiens à préciser que ce n’est pas un service rendu seulement à notre diocèse, mais au minimum à toute l’Ile-de-France et à l’Église Universelle puisque trois prêtres originaires de notre diocèse ont pu être envoyés à Meaux, un à Pontoise, un en Corse, sans compter quelques prêtres Fidei Donum, dont l’un au Chili et un autre vicaire général à Oran, en Algérie.
Vous le disiez vous-même, on a souvent comme une vision typée de la famille versaillaise : famille nombreuse, bourgeoise, très pratiquante, … Avez-vous des vocations issues de milieux plus populaires et qu’en est-il de la collaboration avec les laïcs ?
Il existe certes des familles chrétiennes pour lesquelles avoir un fils prêtre n’est pas une absurdité mais une joie, mais le vivier n’est pas inépuisable. Des vocations semblent se dessiner dans d’autres villes, ainsi à Sartrouville, la deuxième du diocèse en démographie.
S’agissant des laïcs, toutes ces familles profondément attachées à l’Église ont toujours représenté une force, mais le réseau familial devient de plus en plus complexe, y compris dans ces milieux. Les couples travaillent. Les retraités sont très occupés. Ceci étant, nous avons accompli de nombreux pas en avant en ce qui concerne la participation des laïcs. Depuis trois ans, nous comptons par exemple sur la présence très heureuse de deux femmes au sein du conseil épiscopal.
Vous êtes depuis bientôt vingt ans à la tête de ce diocèse. En quoi est-ce une chance ?
Une telle durée permet de voir aboutir les projets. Je songe à trois lieux. À Sartrouville, j’ai notamment eu la joie de célébrer les 50 ans de l’église Saint Joseph, de voir la construction de l’église Saint Jean XXIII sur le Plateau et d’accompagner l’évolution pastorale de ces paroisses qui désormais s’entraident. Sur Mantes, les prêtres vivent dans un presbytère commun au lieu d’être dispersés sur quatre lieux. Sur la paroisse de Montigny-Voisins-le Bretonneux, enfin, les églises s’avèrent trop étroites pour un accueil digne et fraternel adapté à cet espace urbain. Nous avons le projet de construire une grande église de 700 places, Saint Joseph le bienveillant. Ce sont trois exemples parmi d’autres. Cette longévité dans la charge épiscopale permet aussi de mieux accompagner les prêtres, notamment ceux à la formation desquels on a contribué.