Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo, et responsable du groupe de travail sur la bioéthique de la Conférence des évêques de France, a été interrogé par Jean-Marie Guénois et Agnès Leclair publiée dans Le Figaro du mercredi 8 mai. Extraits :
Les catholiques opposés à la PMA pour toutes doivent-ils redescendre dans la rue comme au moment de la loi Taubira en 2012 et 2013 ?
Je n’ai jamais donné de consignes aux catholiques. Ils sont assez grands pour choisir les moyens de se faire entendre. Beaucoup se font proches des plus fragiles. Ils sont des citoyens prenant part à la vie démocratique. Didier Sicard, dans vos colonnes, s’est exprimé contre leur « diabolisation ». Catholiques, nous souhaitons apporter au débat une lumière sur la condition humaine marquée par la complexité et la vulnérabilité. Cette lumière est formulée par la raison et partagée par d’autres. Elle contribue à plus de justice pour tous et au respect de chacun.
65 % des Français se disent favorables à une loi sur la PMA pour toutes. La société se montre aujourd’hui compréhensive face à ce désir d’enfant de femmes seules ou de lesbiennes en couple. Pourquoi ne pas y répondre ?
Bien sûr, la société ne veut pas de discriminations. Mais, quand on interroge les Français sur la légitimation légale d’enfants sans père, 82% sont actuellement contre selon l’Ifop, ce qui confirme des sondages de 2017 et 2018. En fait, ils ne veulent pas cette injustice-là. L’important, c’est la valeur éthique. Aucun sondage ne peut la créer !
Le projet de faire un enfant « sans père » serait-il au cœur de l’opposition de l’Église à cette future loi ?
Il ne faut pas isoler ce point, il fait partie d’un système. Plus généralement, si le droit n’encadre pas les manipulations génétiques ni les techniques de procréation, alors l’eugénisme, qui est déjà à notre porte, sera notre loi. Il brisera notre égalité, au nom de la norme ou de la performance choisie et imposée à l’enfant. Prenons au sérieux la « considération primordiale » de « l’intérêt supérieur de l’enfant » ! La France s’y est engagée en ratifiant la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant. Légiférer en bioéthique ne consiste pas à « équilibrer » désirs d’adultes et besoins d’enfants, mais à élaborer un projet de société. Quels liens familiaux et sociaux voulons-nous instituer ? Quelle hospitalité souhaitons-nous pour chaque être humain, avec ses vulnérabilités ? Le soin des plus fragiles est indissociable de l’attention aux pauvres et à la planète. Écologie et bioéthique sont à réfléchir ensemble, comme y invite le pape François.
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L’Église de France ne s’est pas exprimée sur la décision du Conseil d’État en faveur de l’arrêt des soins de Vincent Lambert. Pourquoi ce silence ?
Pourquoi une parole à chaque cas ? C’est aux médecins d’exercer leur responsabilité, de façon collégiale et dans l’échange avec les spécialistes qui se sont exprimés sur ce cas. Deux questions demeurent. D’abord, comment la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie s’applique-t-elle à Vincent Lambert ? En effet, il n’est pas en fin de vie et il a besoin de soins appropriés. Par ailleurs, ne questionne-t-il pas notre volonté collective d’accompagner jusqu’au bout les plus fragiles ? Le philosophe Claude Bruaire dit que les médecins « gardent le seuil d’humanité ». De fait, nous leur remettons nos proches les plus vulnérables pour qu’ils en prennent soin en raison de leur humanité.