Divers Jeanne smits

2 Pacs pour 3 mariages, et ça continue

Commentaires (3)
  1. Artémise dit :

    Bonjour,

    vous méconnaissez peut-être plusieurs autres données qu'il serait intéressant de prendre en compte :

    – combien de pacs se terminent en mariage et sont annulés de fait (ce fut mon cas, pacs six mois avant le mariage, pour de simples questions d'impôts) ?

    – l'âge moyen des filles au mariage au XVIIIe siècle était de 27 ans, 28 ans suivant les endroits, ce qui signifiait pour le coup de manière assez sûre pas d'enfants avant 28-29 ans. Si l'on prend en compte la mortalité infantile de cette époque, cela veut dire peu d'enfants au bout du compte.

    Les “familles nombreuses” n'ont jamais été si répandues que cela avant le XXe siècle.
    Peut-on en déduire que la réduction des naissances aujourd'hui est un phénomène nouveau ?

    Cordialement.

  2. Jeanne Smits dit :

    Que bien des pacs se terminent en mariage, cela n'est pas contestable, et c'est tant mieux. Mais il s'agit tout de même, quel que soit le bout par lequel on prenne la question, d'une dévalorisation du mariage conçu comme de moins en moins essentiel pour organiser une cohabitation.

    Différence avec le XVIIIe siècle et l'âge de mariage des jeunes femmes : on peut supposer que ces mariages n'étaient pas précédés de cohabitation, ce qui donne une autre coloration à la situation. Peu d'enfants au bout du compte ? Assurément moins que si les enfants étaient arrivés plus tôt dans la vie de ces femmes, mais il me semble que les grossesses étaient tout de même plus fréquentes.

    Si bien qu'on passe donc de la fin du moyen âge au début des années 1800 de 20 à 30 millions d'habitants, malgré l'instauration d'une pratique de la limitation des naissances au XVIIIe. Les Lumières ?

    Et les dépopulations antérieures (après la chute de l'Empire romain, pendant la grande peste), sont des temps de régression.

    Au XIXe au contraire, l'indice de fécondité tombe par rapport à celui des voisins européens, en en même temps la prépondérance française régresse aussi. Cela correspond à l'abandon des droits d'aînesse (code Napoléon) qui a induit des comportements malthusiens. Et se finit par les guerres que l'on sait…

    Vous avez raison de souligner la plus importante mortalité des enfants en bas âge dans les époques passées, et il fallait bien plus de naissances pour qu'une population reste stable. Or elle croissait, plus ou moins vite et hors catastrophes.

    La réduction des naissances au niveau quasi mondial, vu comme phénomène volontaire et masqué, au niveau démographique global, par l'accroissement de la population âgée, est qualifiée par les démographes de phénomène sans exemple dans l'histoire de l'humanité (voir le dernier rapport de la division population du conseil économique et social, évoqué dans ce blog).

    Il faut croire que les familles nombreuses n'ont pas été absentes par le passé, mais un historien de ces choses vous répondrait mieux que moi ; aujourd'hui en tout cas elles ne sont pas assez répandues pour compenser le grand nombre de personnes sans enfants ou de foyers avec un ou deux enfants seulement.

    J'ai découvert avec intérêt votre blog d'historienne ; merci de votre contribution ici.

    JS

  3. Artémise dit :

    Bonjour,

    Merci pour votre réponse.

    Je me permets d'ajouter quelques petites choses :

    Effectivement, les grossesses étaient vraisemblablement plus nombreuses qu'aujourd'hui… et encore, dans les franges supérieures de la population, la question est complexe : voir, pour le XIXe siècle, dans Germinal, la manière dont Zola oppose la famille de riches avec une fille unique, et la famille des mineurs aux nombreux enfants. La dame riche explique d'ailleurs à la Maheude que “tant d'enfants, c'est dangereux”. Chose que la femme du peuple ne peut pas comprendre : comment éviter d'avoir des enfants, puisque “ça vient tout seul” ?

    Le “féminisme” commence avec la Renaissance, lorsque les femmes de la haute société, puis les autres qui les ont imitées, ont (pour la faire crûment) la possibilité de claquer la porte au nez de leur mari en expliquant que “non, pas ce soir”. Voir la marquise de Sévigné qui incite fortement sa fille à procéder ainsi vis-à-vis de son époux, afin d'éviter des grossesses dangereuses.

    En outre, des historiens de la population commencent à se rendre compte qu'il existe une bonne frange de la population qui n'entre pas dans le cadre du mariage dès le XVIIe siècle : à Londres par exemple, on sait qu'au moins un tiers des femmes en âge de procréer sont célibataires. Et pour le coup, à l'époque, il est quasiment impensable d'imaginer qu'une femme célibataire ait pu avoir un enfant.

    J'ajoute aussi que les historiens n'ont pas fini de se taper dessus pour savoir si les gens avaient des relations sexuelles avant le mariage (vu l'âge tardif) ! On a aussi des traces qui semblent montrer que dans certaines régions, les futurs mariés cohabitaient avant le mariage.

    Bien entendu, l'histoire des comportements sexuels et matrimoniaux est tellement complexe qu'il est difficile de pouvoir établir des parallèles avec ce qui se passe aujourd'hui.

    J'avoue que je trouve plus préoccupant le phénomène de “monogamie en série” (j'ai vu l'expression ailleurs et je la trouve bien vue), qui fait que l'on s'attache pour un temps à une personne, puis qu'on la “jette” pour en prendre une autre, recommencer (faire d'autres enfants), jeter de nouveau, etc ?

    Je ne suis pas sûre que le lien entre nation et démographie soit si évident. Je sais bien que selon Jean Bodin, “il n'est de richesse que d'hommes”, mais cette pensée n'est-elle pas un peu datée, précisément, très connotée “puissance militaire” ? Or on peut difficilement dire qu'aujourd'hui, seule la puissance militaire d'un pays compte.

    Cordialement.