En 2009, selon l’INSEE, 175.000 pacs ont été conclus pur 256.000 mariages célébrés, soit 2 Pacs pour 3 mariages (on en comptait 2 pour 4 l’année précédente). 95 % des Pacs – créés pour doter de droits les unions de fait homosexuelles – sont conclus entre des partenaires de sexes différents. La proportion des naissances hors mariage a quant à elle légèrement progressé pour atteindre 53 % des niassances,contre 37 % en 1994.
Ces chiffres sont le symptôme d’une véritable révolution sociétale. Celle-ci a été accélérée par le rapprochement des statuts du pacs et du mariage en 2005 qui, sans améliorer la stabilité du premier, l’a rendu plus attrayant du point de vue des droits. Moins onéreux que le mariage à part entière et beaucoup plus souple pour ce qui est des devoirs d’aide et d’assistance qui peuvent être réglés par convention entre les parties, le pacs est aussi bien plus simple à rompre puisque cela peut se faire de manière unilatérale, si l’une des parties le désire, en signifiant sa volonté par acte d’huissier.
C’est la répudiation de plein droit…
Les enfants nés dans le cadre d’un pacs n’ont pas de lien légal automatique avec leur père qui doit faire la démarche de les reconnaître afin que celui-ci soit établi.
Ainsi voit-on in vivo comment un statut de « sous-mariage » créé pour donner une existence légale aux unions homosexuelles a d’ores et déjà porté atteinte au statut du mariage légitime et « naturel » en tendant progressivement à prendre sa place à travers un « modèle » nouveau adopté par les couples hétérosexuels. Dans le meme temps et tout à fait logiquement ce sont les droits des enfants qui sont touchés.
Désormais, en France, plus d’un enfant sur deux naît en dehors d’une relation légale stable, c’est-à-dire en dehors d’une famille établie dans la durée et affichant au moins dans le principe sa volonté de rester unie, puisque la facilité de rupture fait partie des avantages que les couples peuvent trouver au pacs. Plus d’un enfant sur deux : si l’on ne peut encore parler de norme, c’est devenu une situation habituelle qui est en voie de devenir le cas de figure le plus fréquent.
Par ailleurs, l’âge moyen au premier mariage et à la première naissance progresse, l’âge moyen à l’accouchement ayant dépassé pour la première fois 30 ans en Métropole et 22 % des naissances se produisant désormais après les 35 ans de la mère. Si la fécondité annoncée par l’INSEE est de 1,99 enfant par femme en 2009 (chiffre qui devra être commenté et expliqué par des démographes), proche du seuil de renouvellement, elle ne fera pas changer la situation en profondeur, comme le suggère cette précision de l’INSEE :
« Le changement dans les comportements de fécondité, avec notamment la hausse des taux de fécondité après 28 ans depuis 1999, aurait dû entraîner 82.000 naissances de plus qu’il y a dix ans. Mais en 1999, le nombre de femmes d’âge fécond était plus élevé qu’aujourd’hui et la part des femmes entre 25 et 35 ans était plus favorable à une forte fécondité. C’est l’évolution de la population féminine qui a limité à 45.000 la hausse du nombre de naissances entre 1999 et 2009. »
En clair : les femmes sont un peu plus fécondes mais il y a nettement moins de femmes en âge fertile qu’il y a dix ans. Et on ne voit pas comment cette tendance s’inverserait dans l’état actuel des choses.
Pour une population totale estimée à 64,7 personnes au 1er janver 2010 en France et départements d’outre-mer, par l’INSEE, celle-ci enregistre 821.000 naissances en 2009 contre 546.000 décès. A titre de comparaison, on comptait 862.300 naissances en 1950, 800.400 en 1980 ; le taux de mortalité, lui, passait de plus de 11 pour 1000 dans la décennie 1960 (soit en gros 440.000 décès pour une population inférieure du tiers environ) à moins de 9 pour mille. L’espérance de vie augmente quant à elle de 2 mois aussi bien pour les hommes que pour les femmes en 2009. Le léger accroissement de la population va donc toujours de pair avec son vieillissement, même si l’on enregistre une légère hausse des décès en chiffres absolus (plus 3.500). L’INSEE évoque enfin un solde migratoire (entrées compensées par les départs) à 71.000, chiffre jugé « modeste ».
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Bonjour,
vous méconnaissez peut-être plusieurs autres données qu'il serait intéressant de prendre en compte :
– combien de pacs se terminent en mariage et sont annulés de fait (ce fut mon cas, pacs six mois avant le mariage, pour de simples questions d'impôts) ?
– l'âge moyen des filles au mariage au XVIIIe siècle était de 27 ans, 28 ans suivant les endroits, ce qui signifiait pour le coup de manière assez sûre pas d'enfants avant 28-29 ans. Si l'on prend en compte la mortalité infantile de cette époque, cela veut dire peu d'enfants au bout du compte.
Les “familles nombreuses” n'ont jamais été si répandues que cela avant le XXe siècle.
Peut-on en déduire que la réduction des naissances aujourd'hui est un phénomène nouveau ?
Cordialement.
Que bien des pacs se terminent en mariage, cela n'est pas contestable, et c'est tant mieux. Mais il s'agit tout de même, quel que soit le bout par lequel on prenne la question, d'une dévalorisation du mariage conçu comme de moins en moins essentiel pour organiser une cohabitation.
Différence avec le XVIIIe siècle et l'âge de mariage des jeunes femmes : on peut supposer que ces mariages n'étaient pas précédés de cohabitation, ce qui donne une autre coloration à la situation. Peu d'enfants au bout du compte ? Assurément moins que si les enfants étaient arrivés plus tôt dans la vie de ces femmes, mais il me semble que les grossesses étaient tout de même plus fréquentes.
Si bien qu'on passe donc de la fin du moyen âge au début des années 1800 de 20 à 30 millions d'habitants, malgré l'instauration d'une pratique de la limitation des naissances au XVIIIe. Les Lumières ?
Et les dépopulations antérieures (après la chute de l'Empire romain, pendant la grande peste), sont des temps de régression.
Au XIXe au contraire, l'indice de fécondité tombe par rapport à celui des voisins européens, en en même temps la prépondérance française régresse aussi. Cela correspond à l'abandon des droits d'aînesse (code Napoléon) qui a induit des comportements malthusiens. Et se finit par les guerres que l'on sait…
Vous avez raison de souligner la plus importante mortalité des enfants en bas âge dans les époques passées, et il fallait bien plus de naissances pour qu'une population reste stable. Or elle croissait, plus ou moins vite et hors catastrophes.
La réduction des naissances au niveau quasi mondial, vu comme phénomène volontaire et masqué, au niveau démographique global, par l'accroissement de la population âgée, est qualifiée par les démographes de phénomène sans exemple dans l'histoire de l'humanité (voir le dernier rapport de la division population du conseil économique et social, évoqué dans ce blog).
Il faut croire que les familles nombreuses n'ont pas été absentes par le passé, mais un historien de ces choses vous répondrait mieux que moi ; aujourd'hui en tout cas elles ne sont pas assez répandues pour compenser le grand nombre de personnes sans enfants ou de foyers avec un ou deux enfants seulement.
J'ai découvert avec intérêt votre blog d'historienne ; merci de votre contribution ici.
JS
Bonjour,
Merci pour votre réponse.
Je me permets d'ajouter quelques petites choses :
Effectivement, les grossesses étaient vraisemblablement plus nombreuses qu'aujourd'hui… et encore, dans les franges supérieures de la population, la question est complexe : voir, pour le XIXe siècle, dans Germinal, la manière dont Zola oppose la famille de riches avec une fille unique, et la famille des mineurs aux nombreux enfants. La dame riche explique d'ailleurs à la Maheude que “tant d'enfants, c'est dangereux”. Chose que la femme du peuple ne peut pas comprendre : comment éviter d'avoir des enfants, puisque “ça vient tout seul” ?
Le “féminisme” commence avec la Renaissance, lorsque les femmes de la haute société, puis les autres qui les ont imitées, ont (pour la faire crûment) la possibilité de claquer la porte au nez de leur mari en expliquant que “non, pas ce soir”. Voir la marquise de Sévigné qui incite fortement sa fille à procéder ainsi vis-à-vis de son époux, afin d'éviter des grossesses dangereuses.
En outre, des historiens de la population commencent à se rendre compte qu'il existe une bonne frange de la population qui n'entre pas dans le cadre du mariage dès le XVIIe siècle : à Londres par exemple, on sait qu'au moins un tiers des femmes en âge de procréer sont célibataires. Et pour le coup, à l'époque, il est quasiment impensable d'imaginer qu'une femme célibataire ait pu avoir un enfant.
J'ajoute aussi que les historiens n'ont pas fini de se taper dessus pour savoir si les gens avaient des relations sexuelles avant le mariage (vu l'âge tardif) ! On a aussi des traces qui semblent montrer que dans certaines régions, les futurs mariés cohabitaient avant le mariage.
Bien entendu, l'histoire des comportements sexuels et matrimoniaux est tellement complexe qu'il est difficile de pouvoir établir des parallèles avec ce qui se passe aujourd'hui.
J'avoue que je trouve plus préoccupant le phénomène de “monogamie en série” (j'ai vu l'expression ailleurs et je la trouve bien vue), qui fait que l'on s'attache pour un temps à une personne, puis qu'on la “jette” pour en prendre une autre, recommencer (faire d'autres enfants), jeter de nouveau, etc ?
Je ne suis pas sûre que le lien entre nation et démographie soit si évident. Je sais bien que selon Jean Bodin, “il n'est de richesse que d'hommes”, mais cette pensée n'est-elle pas un peu datée, précisément, très connotée “puissance militaire” ? Or on peut difficilement dire qu'aujourd'hui, seule la puissance militaire d'un pays compte.
Cordialement.