Monseigneur Dominique Rey, évêque de Fréjus Toulon, écrit dans Valeurs Actuelles :
La cathédrale est l’église de l’évêque. Le dramatique incendie qui a consumé des éléments essentiels de Notre-Dame de Paris est certainement un signe pour notre temps, mais un signe pour qui et pourquoi ?
Depuis la nuit de lundi, le monument le plus visité d’Europe, la cathédrale de la capitale de la fille aînée de l’Eglise, est devenue la proie des cendres. Qu’est devenu le ciel dont l’envolée des voûtes et l’élancement des vitraux symbolisait l’appel ? Le grand Alleluia pascal pourra-t-il résonner encore en ces lieux qui avaient surmonté tant de crises depuis le grand saint Thomas d’Aquin ? Au petit matin, le chœur calciné dissimule les ruines de l’autel et de la cathèdre ensevelis. Une lumière triste traverse désormais la voûte séculaire… « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Notre prière rejoint plus que jamais celle du Christ au Vendredi saint, et le ciel des hommes entre désormais sans pudeur par les béances nées de l’infernal brasier.
Le monde entier a entendu et pleuré en voyant cette blessure au cœur de Paris. Mais derrière cet édifice de pierre et le joyau architectural qu’il représente, au-delà des trésors mémoriels, artistiques et spirituels qu’il recèle, c’est un appel plus pressant qui retentit jusque dans nos cœurs.
Un avertissement. Celui d’une identité culturelle mise en péril qui exprime le lien entre la foi chrétienne, l’histoire de la France et la beauté artistique en lequel se joue et se noue notre identité jusqu’en nos racines. Un appel strident jailli d’un monde qui a perdu son socle d’humanité et son âme, et qui trouvait dans cette flèche élancée vers le Ciel le signe d’une transcendance. Cet espace sacré dont la voûte enveloppait notre intériorité et protégeait notre histoire, à partir du témoignage des saints et des martyrs dont les reliques entouraient la couronne d’épines, portait un passé qui éclairait notre avenir.
Cet incendie n’est pas un simple accident mais un signe des temps. Entendrons-nous l’avertissement de reconstruire un Temple spirituel, fracturé par les maux de notre temps ? Un Temple dont la pierre d’angle est le Christ, et dont les clés de voûte sont la foi, l’espérance et la charité, ces vertus qui nous rapportent à Dieu.
Tandis qu’à Lyon, la primatie des Gaules est en grande souffrance, la cathédrale de Paris en feu nous rappelle ces phrases prophétiques que Jean-Paul II a prononcées lors de sa visite en 1980 : « France, qu’as-tu fait de ton baptême ? » A l’heure où la chaire de l’évêque, symbole de son autorité morale et spirituelle, est réduite en cendres et en miettes, évêques et prêtres, saurons-nous, non seulement restaurer cet édifice mais aussi, au cœur de notre pays, porter le signe de notre foi avec courage, fidélité, en retrouvant nos racines chrétiennes, en nous appuyant sur l’Ecriture et la Tradition multiséculaire de l’Eglise ?
« L’Eglise est en feu », proclament les soupçonneux, mais elle porte en elle les germes de renaissance que le Christ ne cesse de lui infuser. Des cendres peut jaillir l’Espérance. L’incendie de Notre-Dame sonne comme un appel venu d’En-Haut.