A l’occasion de l’ouverture de l’assemblée plénière de la Conférence des évêques de France, Jean-Baptiste Noé, historien et professeur, répond aux questions d’Atlantico :
Les évêques de France se réuniront à partir de ce mardi 2 avril à Lourdes pour élire leur nouveau président. Une nouvelle génération d’évêques devrait faire son apparition : quelles sont ses principales caractéristiques ?
Jean-Baptiste Noé : Phénomène normal de la démographie, la génération des années 1960-1970 est en train de partir à la retraite. Les évêques restent en poste jusqu’à l’âge de 75 ans. Mgr Pontier quitte donc la ville de Marseille comme Mgr Ricard celle de Bordeaux l’année prochaine. C’est une nouvelle génération de prêtre qui devient évêque et qui occupe les postes de direction dans les diocèses.
L’ancienne génération est marquée par l’esprit du concile et par le progressisme des années 1960-1970 qui a délité l’Église catholique en France, qu’elle y ait adhéré ou qu’elle l’ait subi. Cela a marqué leur façon de voir le monde et d’agir.
C’était aussi une génération beaucoup plus indépendante à l’égard de Rome : critique de Paul VI, notamment sur Humanae vitae, opposition feutrée à Jean-Paul II, comme lors de son voyage en France en 1980 et des JMJ de 1997. Nombreux étaient les évêques d’alors qui avaient trainé des pieds pour freiner l’organisation des JMJ et il fallut toute la détermination du cardinal Lustiger pour que celles-ci se déroulent bien et qu’elles soient un succès.
La génération actuelle est davantage marquée par les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Les dernières nominations d’évêques ont permis à de nombreux fils spirituels du cardinal Lustiger d’accéder à cette charge. Soit qu’ils furent ses secrétaires particuliers, comme Mgr Rougé, soit qu’ils aient exercé leur ministère à Paris quand il était évêque, comme Mgr Aupetit (Paris), Moulins-Beaufort (Reims) et Dinechin (Soissons et Laon).
Quels sont les principaux sujets qui vont être évoqués ? Comment cette nouvelle génération se place-t-elle par rapport au pape sur ces sujets ?
La question des abus sexuels sera bien évidemment évoquée, ainsi que de nombreux autres sujets. L’évangélisation et l’accompagnement auprès de la jeunesse notamment, à la suite du synode qui s’est tenu à Rome à l’automne dernier.
Certains catholiques font de leur religion le ferment d’une identité européenne qu’il faudrait reconstituer. Quelle est la part d’identitaire dans la nouvelle génération ? Comment se situe-t-elle par rapport à cette partie des catholiques ?
Le terme « identitaire » est à prendre avec précaution, car il ne signifie pas grand-chose. Toute personne a une identité et elle doit veiller à conserver son être sous peine de disparaître. La nouvelle génération est beaucoup moins complexée que l’ancienne pour parler de sa foi et pour la vivre. Ce n’est plus l’époque de la théorie de l’enfouissement et de la dénégation de soi.
Les évêques et les structures diocésaines ont perdu la main sur l’organisation des mouvements de jeunesse. Les aumôneries des universités et des écoles n’attirent pas grand monde et les rassemblements officiels sont assez poussifs. L’action catholique n’est plus d’actualité et les grands mouvements type JOC ou JAC sont en perte de vitesse. Les jeunes s’organisent en dehors des cadres classiques et de façon plus spontanée et informelle.
En revanche, le scoutisme, les associations d’étudiants, les pèlerinages, notamment celui de Chartres, sont beaucoup plus dynamiques et attirent davantage la jeunesse. Ce sont les nouveaux points de rencontre et de formation du creuset catholique.Ce sont des mouvements catholiques, mais indépendants des administrations diocésaines. Ils répondent davantage à ce qu’attend la jeunesse d’aujourd’hui : des moments de camaraderie et une réelle formation religieuse et spirituelle.
Sur la question migratoire, il y a autant d’avis que de catholiques. Tout dépend des lieux où les personnes habitent et des traditions familiales et sociales. C’est une question qui traverse la société française et qui concerne donc aussi les catholiques, qui font partie de cette société. Les évêques ont intérêt à éviter le cléricalisme et à laisser les laïcs s’occuper des questions politiques pour se recentrer sur le cœur de leur mission et de leur sacerdoce : parler de la théologie et du Christ et éviter la politisation.