Cette lettre est datée du mercredi des cendres :
Chers frères prêtres,
L’actualité rajoute à un climat déjà lourd pour nous et pour toute l’Église. De nouvelles personnes et non des moindres, un nouvel ouvrage, un film et une nouvelle émission ont fait la une des médias et ajoutent à la honte et à l’écœurement. Nous savons le mystère d’iniquité à l’œuvre ; nous le découvrons agissant plus encore que nous l’imaginions et redoutions, à l’intérieur même de l’Église que nous aimons et que nous servons, non sans faiblesses mais librement, avec cœur et souci de cohérence, pour la grande majorité d’entre nous.
Alors que nous allons entrer dans ce temps de Carême qui doit nous préparer à Pâques, nous pouvons comprendre la situation actuelle comme une invitation plus pressante à renouveler notre attachement au Seigneur pour le service de son Église.
Nous ne saurions accepter une quelconque idolâtrie sur nos personnes ! Pris du milieu des hommes, nous avons été appelés par Dieu pour servir son Peuple et l’humanité au nom de Jésus-Christ (Hb 5, 1). Si nous ne sommes pas séparés de celles et ceux que nous avons à servir, nous savons et nous assumons d’être mis à part, par un appel singulier et un sacrement particulier (le sacrement qui a fait de nous des diacres, puis des prêtres) pour être tout entiers consacrés à Dieu pour servir l’Église, Famille du Père, Corps de Jésus-Christ, Temple de l’Esprit. Nous avons à porter nos propres faiblesses (elles ne nous quittent pas au jour de notre ordination !), tout en ayant mission d’annoncer l’Evangile, de transmettre la vie de Dieu et de conduire son Peuple. Nous vivons chaque jour cette tension entre la Parole que nous devons annoncer et ce que nous en vivons. Chaque jour, nous expérimentons que, tout en nous efforçant de donner le meilleur de nous-mêmes, nous ne vivons pas exactement à hauteur d’Evangile ! « L’amour du Christ nous presse. » (2 Co 5, 14) Chaque jour, nous demandons au Seigneur de nous aider à accueillir son appel, de savoir assumer notre réponse, de nous laisser travailler par sa grâce.
Chers frères, profitons du temps de Carême pour confirmer notre attachement à Jésus et nous laisser unir à Lui. Laissons-nous plus étroitement unir à Celui, qui n’ayant pas connu le péché, s’est néanmoins identifié au péché des hommes. (Cf. 2Co 5, 21).
Dans le même temps, sans tout mélanger et mettre sur le même plan, tout en considérant avec reconnaissance la grâce qui nous est faite dans notre consécration comme prêtre, ne pourrions-nous pas, humblement et courageusement, examiner l’usage que nous faisons de notre consécration avec la possibilité de mal user de l’autorité et du pouvoir qui lui sont associés. Ne pourrions-nous pas profiter de ce temps de Carême pour interroger nos pratiques et supplier Dieu de nous purifier, autant qu’il serait nécessaire, d’un usage ambigu ou dévoyé de la consécration qu’Il a faite de nos vies ?
Pour confirmer notre attachement au Christ et laisser le feu de l’Esprit-Saint purifier notre ministère, je vous propose que nous prenions, chaque jeudi de Carême, à l’heure qui conviendra à chacun, une heure spéciale d’adoration.
A travers cette démarche commune à tous les prêtres, à laquelle les fidèles pourraient être associés, je demande au Seigneur qu’il nous unisse plus authentiquement à Lui, qui, en communion avec son Père et dans la force de l’Esprit Saint, s’est toujours mis du côté des victimes de l’orgueil et de la volonté de puissance des hommes.
Je vous redis ma proximité, ma confiance, ma prière et mon dévouement. Je compte sur les vôtres.
Mgr Jacques Benoit-Gonnin,
évêque de Beauvais, Noyon et Senlis