A la veille du Carême, Arte diffuse un reportage sur les abus sexuels subis par des religieuses, qui s’en prend au fondateur de la Communauté Saint-Jean :
À la suite du témoignage bouleversant d’une victime du père Marie-Dominique Philippe diffusé ces derniers jours, les Frères de Saint-Jean tiennent en premier lieu à redemander pardon à toutes les victimes de celui-ci.
Les Frères de Saint-Jean condamnent toute situation d’abus sexuel et de pouvoir et réaffirment leur engagement, en communion avec le Pape François, dans la lutte contre les abus. Ils ont conscience de porter une histoire communautaire d’environ 45 ans marquée douloureusement, par les abus sexuels de leur fondateur – révélés en 2013 sur la propre initiative du Prieur général – et ceux commis par des frères, ainsi que par les erreurs passées dans la gestion de cas d’abus sexuels, notamment par manque de prise de conscience de la souffrance des victimes et par manque de formation et de procédures.
Des dysfonctionnements tels que ceux qui ont eu lieu dans le passé ne seraient plus possibles aujourd’hui et ce depuis plusieurs années. Et tout cas signalé est traité conformément à la justice civile et ecclésiastique.
Nous comprenons que des victimes puissent toujours être en colère vis-à-vis de notre Communauté. Dans un courrier adressé à tous les frères pour faire le point sur cette question douloureuse des abus, le Prieur général écrivait le 20 février dernier « Je veux profiter de ce courrier pour demander pardon aux victimes qui ne se sont pas senties assez écoutées et/ou accompagnées (…). Je veux demander pardon aux victimes de notre fondateur ou à celles d’un de nos frères ».
Un travail important a été entrepris avec courage et détermination depuis des années par le gouvernement des Frères de Saint-Jean afin que les erreurs et les fautes du passé ne se reproduisent plus. Le 18 février 2019, le Vatican a adressé un courrier1 au Prieur général, « reconnaissant le travail entrepris, [le Dicastère] souhaite encourager tous les Frères et Sœurs de Saint-Jean à poursuivre ce chemin, humblement, avec courage, confiance et détermination. »
Le Prieur général dans son courrier aux frères du 20 février 2019 précise : « Pour lutter contre les abus multiples et la culture interne qui les a rendus plus facilement possibles, il fallait au moins travailler sur quatre plans : 1) la formation des frères ; 2) la possibilité pour les victimes d’être tout de suite entendues ; 3) la possibilité de traiter sérieusement et rapidement les cas qui se présentent ; 4) la possibilité d’accompagner les victimes d’abus et de les aider vraiment ». En effet, depuis plusieurs années, de nombreuses actions ont été mises en œuvre et ont porté à la fois sur le discernement, la formation initiale et continue des frères sur les questions de vie affective et sexuelle, la prévention de la pédophilie, l’accompagnement spirituel, les procédures en cas de témoignages mettant en cause un frère, avec en particulier la création d’une commission en 2015 comportant notamment deux laïcs dont une psychologue, et qui implique une totale collaboration avec Rome et les autorités civiles. Pour tout cela, nous faisons appel à des personnes compétentes extérieures à la communauté.
Nous rappelons que toute personne peut saisir directement la commission SOS par mail à l’adresse suivante : sos.abus@stjean.com ou la cellule d’écoute de la Conférence des Évêques de France paroledevictimes@cef.fr.
Notre engagement à corriger ce qui doit l’être est aussi motivé par le désir que ne soit pas occulté le bien qui se fait dans la cinquantaine de prieurés que compte Les Frères de Saint-Jean sur les 5 continents ; et que la vie de la très grande majorité des frères, consacrée au service de Dieu et des hommes, continue à être signe d’espérance dans le monde.
Le Prieur général concluait ainsi son courrier aux frères du 20 février : « Étant donné la force du charisme johannique que nous avons reçu, notre fraternité qui m’a encore étonné lors de nos récents chapitres vicariaux, toutes les épreuves que nous avons traversées ensemble, tout le travail accompli, je suis convaincu, que le Cardinal Braz de Aviz [préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée au Vatican], dans sa lettre de juin 2016, avait raison de nous dire : « Que des jeunes puissent être appelés à la vie religieuse dans votre Famille Saint-Jean est un bien pour eux et pour l’Église » . Le travail entamé ensemble portera certainement du fruit pour notre Communauté à moyen terme, même si c’est dans les larmes qu’il faut semer. »
La CEF ajoute de son côté :
La chaîne Arte diffusera ce soir 5 mars un reportage terrible et dramatique sur les abus sexuels dont des religieuses ont été victimes de la part de religieux ou de prêtres diocésains. La Conférence des évêques de France s’associe pleinement à la Conférence des Religieux et Religieuses de France (CORREF) dans sa profonde indignation, sa tristesse et sa colère. C’est d’abord vers les religieuses et religieux, victimes de ces abus, que la CEF tourne ses pensées et ses prières. Tous les évêques de France veulent leur apporter leur soutien.
La lutte contre les abus sexuels et toute autre sorte d’abus dans l’Eglise est aujourd’hui une priorité que chacun doit porter en pleine responsabilité. C’est le message que les Présidents de conférences épiscopales du monde entier ont partagé récemment à Rome lors de la rencontre pour la protection des mineurs que le Pape François avait souhaitée. C’est avec cette conviction que la CEF et la CORREF poursuivent leurs efforts pour accueillir et écouter les personnes victimes mais aussi, avec elles, pour continuer ce combat contre tout abus dans l’Eglise : abus de pouvoir, abus de conscience, abus sexuels.
Et la Conférence des Religieux et Religieuses de France :
Le 5 mars, la chaîne ARTE a diffusé un documentaire sur les abus sexuels dont des religieuses ont été et sont victimes. Ce reportage est glaçant et ce qu’il dépeint difficilement supportable. Ce qu’il montre de complicités, de mensonges, de trahisons, de déni, de perversions et de comportements criminels et impunis, est insoutenable. Nous sommes sidérés par ce que nous avons vu et entendu.
Si l’on peut discuter tel ou tel commentaire, ce film montre une cruelle et effroyable réalité. Comme le disait le cardinal Salazar Gomez, archevêque de Bogotá, durant le sommet qui vient de se tenir à Rome « pour la protection des mineurs », « l’ennemi est à l’intérieur ». Nulle part ailleurs.
Le reportage repère des causes internes à l’Église : le caractère sacré du prêtre et du religieux, un pouvoir omnipotent, une conception avilissante de l’obéissance, un machisme parfois viscéral, une fourberie hallucinante et une réification des femmes, y compris quand elles se retrouvent enceintes. Il nomme aussi des causes exogènes comme le dénuement de religieuses ou de la communauté. Une précarité qui peut occasionner un véritable marchandage sexuel dont des supérieures sont alors complices.
Avions-nous, ici en France, connaissance de l’ampleur de ces ignominies ? La réponse est non. Si nous avons tragiquement dû apprendre qu’il est des agresseurs, des prédateurs, des violeurs, dans notre Église, imaginer des situations qui confinent à l’organisation de la prostitution forcée, « d’esclavage sexuel » comme le disait le pape François en rentrant d’Abu Dhabi, le 7 février dernier, et de plus sous couvert de vœux religieux est à peine croyable.
Si nombre de responsables d’Instituts religieux féminins internationaux sont très attentives à la protection de leurs sœurs, spécialement dans tel ou tel continent ou circonstances, le travail des journalistes d’investigation d’ARTE rappelle l’ampleur de ce qui reste à faire.
À commencer par – comme pour la pédocriminalité – en finir avec l’impunité des abuseurs et avec les complicités actives ou passives. Mais aussi débusquer, encore et toujours, le lien mortifère entre les abus de pouvoir, les abus spirituels et les agressions sexuelles.
Seule fenêtre d’espérance dans ces 90 minutes : des religieuses, des religieux et des laïcs qui se dressent avec un grand courage, à Rome, au Québec, aux États Unis, en Afrique et partout contre ces crimes et ces délits insupportables et accompagnent les victimes.
La Corref, pour sa part, est déjà engagée dans le combat contre tous les abus. Il est et sera long. Mais notre détermination est totale à soutenir les victimes, à épauler les Instituts et les responsables qui mettent tout en place pour protéger leurs membres et dénoncer les faits. L’Union internationale des Supérieures Générales , à Rome, s’est prononcée très clairement afin que toutes les sœurs qui ont été et sont victimes puissent sans crainte prendre la parole, sachant alors qu’elles seront écoutées, accompagnées, protégées.
La Corref se fait le relais de cet appel et de cette supplication afin que personne ne soit délaissé.
Là où nous, responsables dans l’Église, avions charge, au nom du Christ serviteur, de protéger les enfants et les personnes vulnérables, de soutenir la conscience, la dignité, la liberté et l’espérance de celles et ceux qui avec confiance rejoignent la vie religieuse, nous avons collectivement gravement failli. C’est un malheur autant qu’un scandale qui n’est pas excusable.
Il nous incombe aujourd’hui de dire cette faute, responsable de vies fracassées, et de nous engager ici et partout, afin que cela ne puisse se perpétuer . L’engagement de tous dans l’Église et l’aide de compétences extérieures sont indispensables.
Par ailleurs, Marie Philippe, nièce du père Marie-Dominique Philippe, souhaite faire connaitre sa totale désapprobation pour la mise en cause de ses oncles alors même qu’aucun tribunal civil ni canonique n’a établi les faits allégués. Vous trouverez sur son site construit spécialement à cet effet toutes les raisons et les pièces qui conduisent à son intervention.