Suite à l’article sur l’appel de Beauvau, un lecteur nous écrit :
Le plus impressionnant, c’est, d’une part, l’incohérence, et c’est, d’autre part, l’indifférenciation, prétendues ou soi-disant “évangéliques”, cette tendance au bénéfice de l’incohérence et cette tendance au profit de l’indifférenciation faisant que bien des hommes d’Eglise agissent pour que l’Eglise catholique ne soit plus debout et missionnaire, mais Assise et partenaire des conceptions et des dynamiques influentes les moins catholiques ou chrétiennes qui soient.
Premièrement, nous avons été, hier, en présence de responsables religieux catholiques qui n’ont été ni formellement contre la conception libérale du bonheur et de la liberté de l’homme, ni formellement contre la conception communiste de la justice et du progrès dans le monde, alors que, si le communisme l’avait emporté, les partisans de la conception libérale du bonheur et de la liberté auraient été bien obligés de se rallier ou de se soumettre au communisme.
De même, nous sommes, aujourd’hui, en présence de responsables religieux catholiques qui ne sont ni ouvertement contre la conception libérale-libertaire du bonheur et de la liberté de l’homme, ni ouvertement contre la conception mondialiste et progressiste de la justice et du progrès dans le monde, ni publiquement contre l’islamisation de l’Europe en général et de la France en particulier, alors que, si l’islamisation l’emportait, les promoteurs de la mentalité libérale-libertaire et les promoteurs du mondialisme progressiste seraient bien obligés de coopérer davantage et de devenir, encore plus pleinement, des partenaires de cette islamisation.
Ainsi, il est difficile d’être à la fois cohérent, conséquent, et, “en même temps”, partenaire de l’exposition de l’Europe et de la France à des dynamiques aussi potentiellement antagonistes que la dynamique libérale-libertaire, mondialiste progressiste, ET la dynamique d’islamisation des populations et des territoires, mais il faut croire que, dans l’esprit de bien des responsables religieux catholiques, ce n’est pas si difficile, ou pas très difficile, dès lors que l’on considère, en soi, et dès lors que l’on réussit à faire croire, autour de soi, que cette incohérence inconséquente est “bien intentionnée”, “évangélique”.
Deuxièmement, nous avons commencé puis continué à être en présence de responsables religieux catholiques qui s’en sont remis, ou qui se sont soumis à une dynamique d’indifférenciation, dans le domaine des “valeurs”, d’abord sur la base de l’indifférenciation interconfessionnelle, dans le cadre du “dialogue” oecuméniste entre chrétiens, ensuite dans le cadre de l’indifférenciation interreligieuse, dans le cadre du “dialogue” unanimiste entre croyants, et enfin dans le cadre de l’indifférenciation interconvictionnelle, dans le cadre du “dialogue” entre des catholiques et des non croyants qui souscrivent grosso modo à la même vision, non catholique et non chrétienne, de la foi en l’homme, des droits de l’homme, du consensus sociétal, du vivre-ensemble.
Et cette dynamique d’indifférenciation, centrée sur les “valeurs”, a amplement fait perdre de vue, dans l’esprit de bien des catholiques, le fait qu’il y a une différence de nature entre le catholicisme et les confessions chrétiennes non catholiques, le fait qu’il y a une différence de nature entre la religion chrétienne et les religions non chrétiennes, le fait qu’il y a une différence de nature entre la foi en Dieu, Père, Fils, Esprit, et la foi en l’homme, et le fait qu’il y a une différence de nature entre la conception catholique du bien commun, de la loi naturelle, de la personne humaine et de la vérité, ET telle conception dominante de l’intérêt général, des droits de l’homme, de l’individu contemporain et du consensus.
Mais à cause de cette indifférenciation se pose la question de savoir si les mêmes responsables religieux catholiques ont bien conscience du fait que leur positionnement a pour effet de faire perdre de vue aux uns et aux autres, c’est-à-dire aux catholiques et aux non catholiques, ce qui constitue la véritable raison d’être de l’Eglise catholique, non seulement sous l’angle du surnaturel et sur le plan théologal, mais aussi face à son environnement extérieur.
Oui, vraiment, quelle est donc la raison d’être, ou plutôt qu’est donc devenue la raison d’être d’un levain qui passe son temps à s’adapter ou à se conformer à la pâte, à imiter la pâte ou à s’inspirer de la pâte, et à s’en remettre ou à se soumettre à la pâte, donc aux “valeurs” dominantes de ce monde et de ce temps ? Dans cet ordre d’idées, ne sommes-nous pas en présence d’un phénomène de “non assistance à fidèles en danger” ?
L’allusion, qui vient d’être faite, à une thématique, celle du “levain dans la pâte”, qui date du milieu du XX° siècle, est aussi une allusion au fait que cela fait bientôt trois quarts de siècle que cette “non assistance à fidèles en danger” a commencé à se manifester, ce qui ne veut évidemment pas dire que tout s’est toujours très bien passé, dans l’Eglise qui est en France, en amont du début de la période qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale.
En ce sens, il serait injuste de considérer que les évêques d’aujourd’hui sont plus particulièrement coupables de l’actualisation contemporaine de cette “non assistance”, alors qu’ils ne sont que les adaptateurs à aujourd’hui, et les continuateurs pour aujourd’hui, de tout un positionnement “conciliateur ad extra”.
Mais force est de constater que cette “non assistance à fidèles” en danger se traduit à présent par l’explicitation et l’utilisation d’une “herméneutique du déni” qui, elle, est peut-être bien sans précédent, comme vous-même en donnez un exemple récent, ici.
Mais il est vrai que, du point de vue de certains catholiques “conciliateurs ad extra” jusqu’à l’absurde, ou jusqu’à l’ubuesque, tout catholique qui essaie d’être orthodoxe et réaliste, et qui tente de faire preuve de courage et de franchise, pour évoquer les réalités qui déplaisent ou qui dérangent, est un catholique qui n’a pas un “regard d’amour” sur ces réalités, et qui, pour cette raison, n’a pas un “discours d’amour’, sur les mêmes réalités…