Le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier, a été interrogé par Famille chrétienne :
Avant de partir pour Rome, vous aviez déclaré vouloir y proposer la création d’une « instance pénale ecclésiale nationale ou provinciale » pour juger des prêtres ayant commis des abus sexuels. Avez-vous pu évoquer cette proposition lors du sommet ?
J’ai eu l’occasion d’en parler et d’autres ont également évoqué cette possibilité. Cette proposition rejoint notre préoccupation de traiter plus rapidement et efficacement, du point de vue de la justice ecclésiale, des prêtres ayant commis des abus sexuels grâce à un personnel formé à cette question difficile. L’écoute des enfants et des victimes devenues adultes nécessitent une réelle formation. Les officialités de nos diocèses ne sont pas équipées pour cela. Certains diocèses ne disposent pas de ressources humaines suffisantes. Doit-on créer une instance nationale ou plusieurs au niveau des provinces ? Je ne sais pas. Mais ce serait bien d’arriver à mettre en place cette structure.
Au cours de la seconde matinée du sommet, le cardinal Cupich, archevêque de Chicago, a proposé les grandes lignes d’un processus permettant de juger de la responsabilité des évêques en cas de manquement de leur part (dissimulation, mauvaise gestion…). L’évêque métropolitain aurait un rôle clé dans ce dispositif. Qu’en pensez-vous ?
C’est une question un peu nouvelle pour nous. Actuellement, la responsabilité de l’évêque est gérée par le Saint-Siège directement. Le cardinal Cupich propose une procédure où le métropolitain pourrait avoir un rôle à jouer en cas de mise en cause d’un évêque. Personnellement, je vois plutôt cette intervention du métropolitain en terme de correction fraternelle. Il pourrait dire à un confrère voisin : « là tu agis mal ». Est-ce qu’il faut confier l’étude du dossier au métropolitain ou créer un tribunal au niveau national pour juger un évêque ? Je crois qu’il vaut mieux que cela reste de la compétence du Saint-Siège. Pourquoi ? Car à l’intérieur d’un même pays, les évêques se connaissent trop bien. Ils sont trop liés entre eux pour que l’indépendance de la sentence soit assurée. L’éloignement du juge est important.
Plusieurs des vingt-une pistes de réflexion suggérées par le pape hier en ouverture du sommet ont déjà été mises en place en France. La France est-elle un bon élève ?
Les évêques français ont fait un important travail depuis 2000, et de manière plus spectaculaire depuis 2013. Je crois vraiment que notre travail a été fructueux pour prendre conscience entre nous de la gravité de la blessure des victimes. Nous avons progressé dans notre écoute des victimes, notamment pour entendre de leur part ce qu’elles attendent de nous. Enfin, la conférence des évêques de France a élaboré des procédures et un vade-mecum très utiles pour traiter ces affaires. Cependant, nous ne sommes pas assez performants encore. Il nous reste beaucoup de travail en matière de prévention, de formation dans les séminaires, ainsi qu’auprès des animateurs pastoraux, des bénévoles de nos diocèses mais également dans les familles et avec elles. C’est une conversion de tout le monde. Les victimes sont souvent des enfants de familles chrétiennes, qui ont été abusés par des prêtres amis. Certaines familles ont mis le prêtre sur un tel piédestal qu’elles n’ont plus été capables de voir l’emprise qu’il avait sur eux et surtout sur leurs enfants. Ce travail de formation et d’éveil à la vigilance doit particulièrement être mené dans les paroisses et auprès des fidèles. Pour l’heure, encore trop peu de paroisses ont commencé ce travail. […]