Du 21 au 24 février 2019, le pape François réunit les présidents des Conférences épiscopales du monde entier sur la question de la « Protection des mineurs dans l’Eglise ». Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, sera à Rome pour cette occasion. Il a tenu, quelques jours avant ce rendez-vous, à rencontrer des personnes victimes d’abus sexuels commis par des clercs pour entendre leurs profondes blessures psychologiques et spirituelles et rappeler que face à ce fléau, la priorité de l’Eglise reste l’accueil, l’écoute et l’accompagnement des victimes.
Interrogé dans le JDD, Mgr Pontier déclare :
Avant de vous rendre à Rome au sommet mondial contre la pédophilie qui s’ouvre jeudi, vous avez rencontré des victimes. […] Vous ont-elles chargé de porter un message à Rome?
Que soit vraiment exprimée la prise de conscience du drame, de l’injustice qu’elles ont vécue. Les victimes nous demandent d’être associées à tout le travail mené dans l’Eglise pour “purifier” la situation et inventer un chemin de réparation. Elles n’ont pas besoin de repentance permanente si les actes ne suivent pas.
Sur quels sujets attendent-elles des avancées?
La prévention et la formation des évêques, prêtres, séminaristes, animateurs de jeunes et responsables de l’enseignement catholique ; la consultation du casier judiciaire pour les animateurs et futurs prêtres ; notre capacité à garder mémoire des actes commis, etc. Les victimes ont besoin d’être reconnues comme telles, d’autant qu’elles peuvent se sentir coupables. Le prêtre est parfois un ami de la famille. A celui qui dénonce, on répond : “Tais-toi, tu ne peux pas salir l’Eglise!” Il existe une vénération de l’Eglise qui est malsaine et peut empêcher la libération de la parole. […]
Hier, le pape François a défroqué l’ex-cardinal McCarrick, accusé d’abus sexuels dans les années 1970. Que vous inspire cette décision historique?
Je ne sais pas comment fait l’Esprit saint pour s’en sortir avec des gens comme nous sommes.
Vous avez souhaité la création d’une commission indépendante d’enquête sur les abus dans l’Eglise française depuis les années 1950. Est-ce la reconnaissance d’un mal systémique?
Je ne crois pas qu’il existe un système organisé derrière ces affaires de pédophilie. Mais il y a quelque chose de systémique dans la négligence, le poids et la défense des institutions par rapport aux personnes victimes. Pendant mes vingt premières années d’évêque, je n’ai jamais entendu parler de ce sujet. Ce qui était systémique, c’était sûrement le fait qu’on n’en parlait pas. Ce silence venait-il du fait que c’était organisé, qu’on n’aimait pas en parler, ou qu’on voulait le cacher? La commission dirigée par Jean-Marc Sauvé va nous aider à le percevoir. […]
Le nonce apostolique en France, Mgr Ventura, fait l’objet d’une plainte pour agression sexuelle. Comment réagissez-vous?
Si des actes ont été commis qui auraient traumatisé profondément quelqu’un, ce serait bien sûr choquant. Je connais bien Mgr Ventura, et pour le moment je le présume innocent. […]