Le père Grégoire Catta, jésuite, directeur du service famille et société de la Conférence des évêques de France, revient pour La Croix sur la crise qui n’en finit plus, estimant que l’Eglise ne peut plus ignorer ce mouvement :
[L’Eglise] a senti qu’il relevait de sa mission de s’investir sur la crise des « gilets jaunes ». C’est pourquoi le 11 décembre dernier, les évêques ont lancé un appel au dialogue et au débat en s’appuyant sur le maillage territorial de l’Église. Nous ne pouvons pas rester étrangers à ce qui se passe dans le pays. D’autant plus que beaucoup de chrétiens et notamment les évêques dans les diocèses ruraux sont en prise directe avec cette population qui s’exprime actuellement. Beaucoup de prêtres et d’évêques ont été arrêtés sur les ronds-points en se rendant à diverses célébrations. Les joies et les bonheurs des gens, mais aussi leurs tristesses et leurs angoisses, sont aussi celles de l’Église.
En participant au débat, quels messages l’Église peut-elle délivrer ?
D’abord, et c’est essentiel, elle invite au dialogue. Il doit se vivre en vue de la définition du bien commun. On dialogue pour construire les choses ensemble. Le pape assure que lorsque nous entrons en dialogue, nous acceptons de nous transformer nous-mêmes. Il ne s’agit pas seulement d’une négociation pour faire valoir ses opinions. Deuxièmement, l’Église invite à s’écouter les uns et les autres. Le pouvoir politique – mais aussi nous-même dans l’Église – est invité à écouter ceux qui sont d’habitude les sans-voix, même si les Gilets jaunes ne résument pas à eux seuls cette catégorie.
Un autre message à faire passer est celui de Laudato Si’, qui encourage à écouter la clameur des pauvres, à défendre une société plus juste et plus durable et à relever ensemble le défi de l’écologie intégrale au sens d’une combinaison des questions sociales et environnementales.
Enfin, l’Église a aussi des choses à dire sur la société de consommation, qui s’avère l’une des causes de la crise existentielle qui se manifeste. Comme dit le pape, il faut passer de la société du déchet à celle de la rencontre. Comme dans son message de Noël, il associe la culture du déchet à la voracité. Dans la crise des gilets jaunes, au-delà des revendications sociales, nous percevons une demande existentielle : celle d’être reconnu, non pour ce qu’on peut acheter ou posséder, mais pour ce que nous sommes. Cela nécessite une conversion et une transformation des modes de la vie de notre société tout entière. […]