Communiqué de l’évêque de Nevers :
Au lendemain du procès dans lequel j’étais cité avec d’autres collaborateurs du cardinal Barbarin, et en attendant le jugement qui doit être rendu le 7 mars prochain, je souhaite exprimer les réflexions suivantes :
Ce procès a été voulu comme réponse à ce qui a été ressenti comme une grande violence par des victimes d’un prêtre pédocriminel, à savoir l’impunité de ce prêtre. Je comprends cette incompréhension et cette colère, dues au fait que, jusqu’à la plainte déposée en 2015 par une victime, ce prêtre a été laissé en responsabilité pastorale, incluant le contact avec des enfants.
Les débats de ces quatre journées ont permis, à mon sens, de mieux comprendre ce qui a pu se passer, et de mettre en lumière des erreurs dans la manière de traiter ce prêtre et de prendre en compte les attentes des victimes. Pour ma part, je suis prêt à reconnaître les miennes.
Ce procès a aussi permis d’entendre les souffrances incommensurables qu’ont endurées ces personnes, du fait des violences sexuelles qu’elles ont subies, et aussi parfois du manque de soutien de leurs parents ou de l’impossibilité de parler durant de longues années. J’ai été profondément touché par ces témoignages, comme je le suis d’autres souffrances que l’on me confie. Etre pendant quatre jours à côté de ces personnes, de l’autre côté d’une barre qui fait de nous des adversaires alors que nous ne les considérons que comme des frères, était en soi une épreuve. Mais il fallait accepter cela, en raison des déceptions qu’ils avaient eux-mêmes éprouvées et parfois de la trahison qu’ils avaient ressentie de la part de certains d’entre nous.
Ce procès avait une dimension médiatique, de par la volonté même de ceux qui l’ont initié, à l’aide de l’association La Parole Libérée. Cette association, dont l’action en faveur des victimes est incontestable, a voulu, à travers cette démarche judiciaire, porter un débat de société et éventuellement conduire à une évolution de la loi. Elle a voulu aussi susciter des changements de comportements au sein de l’Eglise. Ces trois objectifs sont légitimes, et en ce qui concerne l’Eglise ce procès marquera certainement une étape majeure dans le travail qu’elle poursuit depuis bientôt vingt ans, au sein de la Conférence des évêques de France, pour l’évolution de ses pratiques concernant la protection des mineurs.
Tout cela est important. Mais ce procès a d’abord une portée judiciaire. Et dans ce cadre sont mises en cause non pas une institution mais des personnes, fussent-elles engagées dans une institution. Parmi ces personnes figurent des clercs mais aussi un père de famille et une mère de famille, également grand-mère. Quant aux clercs, ils ont aussi un cœur et des droits. Il était donc légitime que dans ce tribunal fussent traitées d’abord des questions de droit. Ces questions sont parfois apparues complexes, même pour les juristes les plus chevronnés. Et au final, il appartiendra au juge de dire s’il y a eu ou non des fautes répréhensibles au plan pénal. Le ministère public a estimé qu’il n’y avait pas matière à condamnation et a donné ses raisons. Il reste à attendre le résultat de la délibération du tribunal.
Pour l’heure, je souhaite redire combien je suis aux côtés des victimes de toutes violences, en particulier celles qui portent sur des enfants et des personnes fragiles. Et je souhaite rappeler que le diocèse de Nevers a mis en place une adresse pour les victimes de pédocriminels : ecoute.pedophilie@nievre.catholique.fr, avec une personne en lien avec la cellule provinciale d’écoute.
J’espère que, après le déchaînement médiatique, les expressions de colère et parfois de haine, viendra le temps de la vérité et de la justice, qui seules garantissent la paix.
Mgr Thierry Brac de la Perrière, évêque de Nevers