Nous publions cette réflexion d’un lecteur à propos de l’a priori selon lequel le premier “changement de paradigme” qui est plus ou moins propice à la “reconfiguration” du christianisme catholique contemporain, par approbation, par intégration, par légitimation et par utilisation de conceptions, de convictions, d’expressions, d’idées, d’opinions apparues, initialement, à l’extérieur de l’Eglise catholique, et en contradiction avec son enseignement, ou en “dépassement” de son enseignement, daterait plus particulièrement du pontificat du pape François.
En réalité, depuis 1945, les catholiques ont eu droit à plusieurs “changements de paradigme”, et ont subi plusieurs “changements de paradigme”, qui sont tous allés dans la même direction, propice, notamment, à la désurnaturalisation et à la déthéologalisation du regard et du discours chrétiens.
Pour aller vite et pour faire court, je me contente de rappeler les “changements de paradigme” qui suivent, et qui sont tous problématiques :
– à partir de 1945 : la “nouvelle théologie”, notamment en ce qui concerne une certaine forme d’anthropologie, proche de celle ou telle que celle de Rahner, un certain type d’ecclésiologie, proche de celle ou telle que celle de Congar, et les idées présentes autour de celles de Chenu et de Teilhard ;
– à partir de 1965 : “l’esprit du Concile”, lequel prend vraiment appui sur au moins une partie de quatre textes du Concile : Dignitatis humanae, Nostra aeatate, Gaudium et spes, Unitatis redintegratio, compte tenu des expressions, mais aussi des omissions présentes dans ces quatre textes ;
– à partir de 1986 : “l’esprit d’Assise”, lequel prend vraiment appui sur au moins une partie de la conception wojtylienne des réflexions sur les religions non chrétiennes et des relations avec les croyants non chrétiens, cette conception ayant commencé à se déployer presque dès le début du pontificat de Jean-Paul II ;
– à partir de 2013 : “l’esprit de l’Evangile”, ou, en tout cas, l’esprit qui légitime une conception inclusiviste, et non plus intégraliste, du discernement évangélique, dans la miséricorde, et de l’ouverture vers les périphéries, cette conception n’étant pas nouvelle dans son principe même, mais étant nouvelle dans son application, depuis le sommet de la hiérarchie, à des domaines qui ont été, par et sous Jean-Paul II, officiellement maintenus à l’abri du même esprit.
Je viens de procéder à un rappel, mais je ne suis pas sûr que les catholiques non irénistes ni utopistes qui auront entre 25 et 40 ans, en 2020, aient tous connaissance de ces “changements de paradigme”, et aient tous bien conscience du fait que ce qui précède constitue seulement un rappel.
En rappelant ce qui précède, je rappelle que le pape François n’est nullement le premier pape qui fait agir les clercs et les fidèles, sous la conduite et en direction du développement puis de la pérennisation d’un “changement de paradigme” reconfigurateur du christianisme catholique contemporain.
En effet, Pie XII a été opposé à la “nouvelle théologie”, mais, globalement, Paul VI n’a pas été opposé à “l’esprit du Concile”, globalement, Jean-Paul II n’a pas été opposé à “l’esprit d’Assise”, et, globalement, le pape François n’est pas opposé à “l’esprit de l’Evangile”, ce qui ne signifie pas que Paul VI a été totalement partisan de bien des abus inspirés par “l’esprit du Concile”, que Jean-Paul II a été totalement partisan de bien des excès inspirés par “l’esprit d’Assise”, ni, bien sûr, que le pape François approuve totalement les manifestations d’hétérodoxie inspirées par “l’esprit de l’Evangile”.
Je suis de ceux qui écrivent ce qui précède, parce que je suis aussi de ceux qui ne voudraient pas que certains catholiques, nés à partir du début des années 1980, s’imaginent
– que presque tout s’est bien passé, dans l’Eglise catholique, d’une manière orthodoxe, réaliste, féconde, fidèle, et vigilante voire résistante, face aux erreurs sur Dieu, sur l’homme, sur l’Eglise et sur le monde, jusqu’à la fin du Concile, ou jusqu’au début de l’après-Concile,
– que presque tout a commencé à se décomposer ou à se fragiliser, à partir du début de l’après-Concile, et jusqu’à la mort de Paul VI, avant tout voire seulement pour des raisons qui seraient essentiellement voire exclusivement exogènes, extérieures, ou indépendantes, par rapport à la totalité des textes de Vatican II,
– que presque tout a commencé à se consolider ou à se recomposer, à partir du début du pontificat de Jean-Paul II, et que presque tout a commencé puis a continué à aller de mieux en mieux, notamment d’une manière de plus en plus orthodoxe et réaliste, jusqu’à la fin du pontificat de Benoît XVI,
– et que le cours des choses, dans l’Eglise catholique, n’est à nouveau placé sous le signe de la décatholicisation du regard et du discours sur les confessions chrétiennes non catholiques, sur les religions non chrétiennes, sur telle conception dominante, et non catholique, de l’homme et du monde contemporains, que depuis le début du pontificat du pape François.
En d’autres termes, je suis de ceux qui écrivent ce qui précède, parce que je suis de ceux qui ne voudraient pas que certains catholiques, nés à partir du début des années 1980, s’imaginent que le pape François est le premier pape qui impulse et incarne un “changement de paradigme” dans l’Eglise catholique, ou s’imaginent que le pape François est le premier pape qui a une part de responsabilité dans la dénaturation ou, en tout cas, dans la fragilisation du regard et du discours catholiques sur l’environnement confessionnel non catholique, sur l’environnement religieux non chrétien, etc. extérieur à l’Eglise catholique, alors que le pape François agit, globalement, dans le respect des “changements de paradigme” antérieurs à 2013.