Un débat s’est tenu le 1er décembre à Lyon, au café culturel associatif des Altercathos, Le Simone : quelle est véritablement la pensée de l’Église au sujet des migrants ? Comment répondre en chrétien à la situation actuelle ? Ce débat a rassemblé Mgr Benoist de Sinety, vicaire général du diocèse de Paris, auteur d’Il faut que des voix s’élèvent, Jacques de Guillebon, directeur de la rédaction du journal L’Incorrect, président du conseil scientifique de l’Issep fondé en 2018 à Lyon par Marion Maréchal. Famille chrétienne en a fait un résumé.
Mgr de Sinety a commencé :
« Nous sommes 20 % des êtres humains à consommer ce que produit globalement la planète. Souvenons-nous des paroles des Pères de l’Église : “Lorsque vous faites l’aumône aux pauvres, vous ne vous dépouillez pas de vos biens, mais vous leur rendez ce qui leur appartient de droit.” Ce n’est pas Karl Marx, c’est saint Ambroise qui le dit. La nouveauté révolutionnaire du christianisme, à l’époque où les Grecs méprisaient les Romains qui eux-mêmes méprisaient les Barbares, est d’avoir montré que le bien commun est universel et pas seulement national. »
Jacques de Guillebon a répondu :
« L’hospitalité est limitée dans le temps et elle obéit à des règles. Que faire quand on accueille quelqu’un chez soi qui est étranger et qui reste étranger à l’intérieur de la maison ? L’étranger que l’on doit accueillir reste en même temps un danger. » « Comme le pape François, vous avez dit la vérité, mais pas toute la vérité ».
Derrière le terme de « migrant », il y avait « des réfugiés mais aussi des immigrés clandestins venus chercher un monde plus riche, que nous ne sommes pas tenus d’accueillir comme des réfugiés. »
Patrick Louis, ancien bras droit de Philippe de Villiers, a évoqué la balkanisation du Liban, après l’afflux de réfugiés dans les années soixante-dix :
« Pour qu’il y ait du bien commun, il faut du commun, donc une société qu’on ne peut ébranler au nom de l’accueil. »
Mgr de Sinety a répondu :
« Nous avons le devoir de réveiller notre société qui laisse pourrir des êtres humains ». « Ça ne veut pas dire “Accueillez-les tous”, mais aider ceux qui ont besoin d’aide, quitte à aider certains à repartir et à monter leur activité dans leur pays quand c’est possible. Quitte à troquer son année de césure d’étudiant à Shanghai ou New York contre un an en coopération à Abidjan. Le migrant nous appelle à réfléchir à notre manière de vivre, à poser des actes concrets qui manifestent que nous voulons bâtir la société. »
Jacques de Guillebon renchérit :
« Le problème du discours du pape, c’est son imprécision. Que le catholicisme se mêle de politique, c’est bien. L’Église est infaillible sur la foi et les mœurs, mais elle peut se tromper politiquement. On n’est pas tenu de la suivre sur ces questions. »
Mgr de Sinety a défendu :
« Heureusement que la parole du pape est discutable. Comme pour la parole de Dieu, il faut la discuter pour mieux la comprendre. Le Christ Lui-même est assez imprécis quand Il dit qu’il faut aimer son prochain comme soi-même. On ne peut pas choisir le prochain par avance. Le prochain, c’est celui qui surgit. Être chrétien, c’est se sentir responsable de l’autre, ce qui ne veut pas dire tout lui laisser faire. Nous avons tendance à nous sentir irresponsables. Nous disons que c’est à l’État de gérer. Or l’État n’a pas de sens moral. Que fait-il en Afrique depuis quarante ans ? Il entretient la corruption. »