Suite aux derniers développements du mouvement des « Gilets jaunes », Mgr Ricard publie le 10 décembre un communiqué :
L’heure est au dialogue, aux propositions constructives et audacieuses, peut-être un « grenelle social »
La taxe sur les carburants a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette mobilisation des gilets jaunes est en fait l’expression d’un mécontentement beaucoup plus profond qui touche des catégories de personnes qui ont plus de mal à vivre et qui ont l’impression que l’on demande aux plus modestes des sacrifices de plus en plus difficiles à supporter. Ce ne sont pas tant les exclus, les Rmistes ou les chômeurs qui sont dans la rue mais d’autres catégories sociales : classes moyennes à faible revenu, retraités, agriculteurs, auto-entrepreneurs, artisans, femmes seules avec enfants, jeunes adultes en recherche d’emploi, personnes dont le logement est loin du lieu de travail. Ils ont l’impression que ce qui leur reste pour vivre, le « reste à vivre », diminue de plus en plus. Ils aspirent à une politique du « pouvoir de vivre ».
Beaucoup ont un sentiment d’injustice et d’exclusion. Ils pensent que ce gouvernement a favorisé les riches en faisant payer les plus modestes. La suppression de l’ISF est devenue emblématique de cette politique. Ils se sentent méprisés par ceux qui nous gouvernent.
Mais tout cela s’exprime sur fond de colère, avec le sentiment de ne pas avoir été entendu par le pouvoir politique. Peut-être « écouté » mais pas entendu.
Ce qui est inquiétant dans cette mobilisation, c’est que c’est un mouvement populaire qui a récusé les médiations syndicales et politiques traditionnelles mais qui a du mal à se donner des représentants et des interlocuteurs mandatés. Il est difficile de négocier avec une foule. Une telle situation de révolte est la porte-ouverte à la surenchère et au désir d’en découdre. Nous sommes face à la violence, une violence portée par les casseurs, mais avec une tacite approbation d’un certain nombre de gilets jaunes (« On n’est pas pour mais c’est la seule manière de se faire entendre »). Dans l’histoire, cette violence peut déboucher sur l’anarchie, la terreur ou, par réaction, sur un appel à un pouvoir autoritaire. Une telle « jacquerie » ne mène à rien. La politique du chaos doit être combattue. Mais le gouvernement aurait tort de ne dénoncer que la violence. En tout cas, il revient aux gilets jaunes de se donner une représentation ou des voix autorisées car la violence ne saurait se substituer à une capacité stratégique défaillante.
Entendons dans ce mouvement la profonde demande de justice sociale et fiscale qui s’exprime. Beaucoup de français le pressentent. Les organismes caritatifs avaient alerté sur la précarisation de plus en plus accentuée de certaines catégories sociales. Sans grand succès. Aujourd’hui le problème est posé avec force. L’heure est au dialogue, aux propositions constructives et audacieuses, peut-être un « grenelle social ». Il faut écouter et répondre à cette désespérance sociale qui s’exprime en révolte. Le président de la République et le gouvernement y jouent leur avenir. Mais notre vie démocratique ne sortira pas indemne de cette crise. Tout dépendra de la façon dont notre pays la résoudra.