Et voilà un communiqué des évêques de Normandie :
«Faut-il payer l’impôt ? » : les chrétiens connaissent la question posée à Jésus dans l’Évangile. Sa réponse est davantage connue : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Cette maxime est souvent interprétée pour demander aux croyants de réserver leur foi à Dieu et de se comporter comme tous les autres citoyens pour le reste. Les évêques de Normandie n’entendent pas dicter des décisions, encore moins donner des leçons. Conscients des enjeux qui dépassent toute frontière, ils proposent quatre réflexions. Comme Jésus et tous l’ont compris, la question réelle de l’impôt en cache bien d’autres.
Notre première réflexion est un appel à cesser toute violence. Celle-ci a des formes manifestes, physique ou verbale, et d’autres plus subtiles. L’injustice, le mépris ou l’ignorance sont aussi des violences. Mais une violence n’en justifie pas une autre.
Comment arrêter l’engrenage ? Il n’y a pas d’autres moyens que l’humilité, la reconnaissance de l’autre, et le désarmement. Chacun peut éviter de mettre de l’huile sur le feu, dans ses conversations et par son attitude. Mieux, soyons convaincants auprès de notre voisin tenté par la violence.
« Penser l’économie sans la fraternité est stérile »
La deuxième réflexion est le corollaire de cet appel : tout ce qui est dialogue est bon. La sortie de crise ne se fera pas si on considère qu’il s’agit d’un face-à-face entre citoyens et gouvernants où chacun serait sommé de choisir son camp. Les sondages clivants n’aident pas davantage. Nous encourageons les chrétiens, les hommes et les femmes de bonne volonté à participer à tout débat. Dans ces débats, les corps intermédiaires que sont la famille, l’école, les associations, les organisations syndicales, les partis politiques, les collectivités territoriales, les institutions doivent être reconnus, sans oublier les nations voisines ou plus lointaines.
Une troisième réflexion est le double impératif de la transition écologique et de la transition solidaire. Le pape François a vu juste en répétant « tout est lié » dans Laudato Si. Il y propose une écologie intégrale, le respect de la planète et le développement de l’humain. Pour le chrétien, comment penser un Dieu créateur qui enjoindrait de choisir entre le respect de la planète et la solidarité entre les hommes ? Pour autant, ni l’écologie ni la solidarité ne se trouvent dans la consommation devenue obsédante pour tous, ceux qui doivent survivre, ceux qui sont dans la crainte de perdre du pouvoir d’achat ou en veulent toujours plus, ceux qui ont perdu toute mesure dans l’argent ostentatoire.
Une quatrième réflexion est de faire confiance aux véritables énergies renouvelables que sont le cœur et la raison de tout être humain, et la richesse de la vie commune. C’est ce que nous appelons « des énergies spirituelles ». Prendre soin des enfants, des jeunes, des personnes malades et en fin de vie, aimer, préserver, encourager la famille, reconnaître les leviers de la générosité et de tout ce qui fait le vrai bonheur de la vie en société sont aussi une œuvre politique. Penser l’économie sans la fraternité est stérile.
Faut-il payer l’impôt ? Jésus voit juste en complétant la réponse : ce ne sera jamais suffisant, si nous ne rendons pas à Dieu ce qui lui appartient, l’honneur d’être de sa famille fondée sur l’amour. Quand les chrétiens disent à Dieu « Notre Père », ils ne veulent et ne peuvent exclure personne. Leur prière se fait plus intense et plus fraternelle à l’approche de Noël. »
MMgrs Jean-Claude Boulanger (Bayeux-Lisieux), Jean-Luc Brunin (Le Havre), Jacques Habert (Séez), Laurent Le Boulc’h (Coutances et Avranches), Dominique Lebrun (Rouen), Christian Nourrichard (Évreux).