Suite aux quelques communiqués d’évêques sur la crise liée aux Gilets jaunes, nous relayons ce billet du chanoine Gaston Champenier :
Honte à vous !
On finit par croire que les évêques lisent RC. À peine paru le communiqué publié par mes confrères du « Collectif Antioche », les évêques se sont mis à parler… après la sécheresse, le déluge ! Et nous n’avons pas été déçus. Pas déçus, par rapport à nos attentes… Les premiers à parler l’ont fait dans un langage embrouillé, mais qui semblait refléter un certain désir de comprendre et d’entendre la voix d’un pays qui n’en peut plus. Mais le meilleur est venu d’en haut.
Le communiqué signé par Mgr Pontier et transmis par Mgr Ribadeau-Dumas (inénarrable duo) est un monument qui fera date. Il aurait pu tout aussi bien émaner du cabinet du premier ministre, pondu par quelque technocrate sans âme, soucieux d’ânonner pour ses maîtres tous les « éléments de langage » aptes à bien glisser dans le système médiatique, sans choquer les loges. Il manque la dénonciation du « populisme » et l’appel à l’Europe, mais ça viendra.
Il suffit de lire.
D’abord, une remarque. Un mot magique revient cinq fois : « dialogue ». Un mantra qui ne mange pas de pain, et dispense d’insister sur le reste et, plus important, encore, de s’interroger sur les causes des effets que l’on déplore. Dialoguer pourquoi, et en vue de quoi. Le dialogue entre David et Goliath a-t-il un sens ? Le dialogue sans justice est-il un objectif crédible ? Mais le message du président des évêques est aussi brouillé que celui de la République. Quand on commence par évoquer « personnes exprimant leur souffrance et leurs peurs », « des choix politiques mal compris [qui] accentuent le sentiment d’exclusion », on montre à la fois que l’on n’a rien compris et que l’on relaye (une fois encore) sans le discuter le discours du pouvoir en place. Il suffit d’avoir passé cinq minutes avec un groupe de GJ sur un rond-point, pour voir que le problème n’est pas psychologique (peur et souffrance), mais profondément politique : les Français veulent tout simplement la « justice ». C’est pourtant une notion biblique fondamentale. Pourquoi nos princes ecclésiastiques sont-ils incapables de le comprendre ? « Rendre à chacun ce qui lui revient », ce n’est pas sorcier, et quand des élites déracinées s’enferment dans les beaux quartiers (avenue de Breteuil, Paris, VIIe), la marmite finit par exploser.
Le mantra contre la violence est un cache-sexe honteux, car il révèle, bien plus qu’il ne cache, la collusion avec les puissants et les élites décrédibilisées, qui, elles, exercent la violence médiatique, économique, sociale et sociétale, depuis des décennies, sans que l’on ait vu nos chers pasteurs élever la voix plus que cela.
Enfin, il y aurait beaucoup à dire sur l’incapacité absolu des déclarations épiscopales, comme celle des puissants d’aujourd’hui, à reconnaître les erreurs éventuellement commises, à s’excuser et à manifester le plus petit regret par le moindre geste, même symbolique, de « repentance » pour réparer et apaiser. (Les repentances hypocrites pour le passé ne servent à rien). Une part non négligeable de l’exaspération du peuple vient de cette irresponsabilité et de cette impunité tellement insupportables pour les petits et les sans grades qui, eux, payent comptant la moindre broutille, sont harcelés, méprisés et pressurés sans répit.
Je le dis avec gravité et tristesse : honte à vous ! Ne vous étonnez pas si, après avoir perdu la classe ouvrière, puis le peuple paysan, puis les traditionalistes, ce qui restait encore de brave gens, « sociologiquement chrétiens » en quête de sens, vous tourne définitivement le dos. Vous l’aurez bien cherché. Messeigneurs, balayez devant votre porte, avant que le vent terrible de l’histoire vous balaye. Oui, honte à vous !