Alors que la Cour européenne des droits de l’homme devrait d’ici à quelques semaines se prononcer sur le cas de trois Irlandaises privées dans leur pays du « droit » à l’avortement, l’ONG pour les droits de l’homme Human Rights Watch a publié jeudi un rapport de 57 pages dénonçant le « fardeau financier, logistique, physique et émotionnel » imposé aux femmes dont la liberté d’avorter est entravée par les lois irlandaises.
Cette parfaite coordination dans le temps s’accompagne d’une évidente identité des propos, et repose sur le fait que – selon HRW – des milliers de femmes Irlandaises sont « obligées » de traverser les frontières, sans aides publiques, pour faire supprimer leur fils ou leur fille à naître.
Le rapport s’intitule « Un Etat d’isolement : l’accès à l’avortement des femmes en Irlande » et invoque un très imaginaire « droit international » (et la simple « décence humaine » pour revendiquer non seulement des services d’avortement et des aides publiques pour y accéder. « En Irlande, au contraire, elles sont activement ignorées, stigmatisées, exclues. »
On croirait lire, presque mot pour mot et en tout cas idée par idée, l’argumentaire développé devant la CEDH début décembre. Les rédacteurs évoquent la « peur » des médecins qui, craignant la prison, n’osent même pas rechercher des anomalies fœtales (on n’a pas souvenir pourtant de récentes condamnations de quiconque pour avortement illégal…)
Marianne Mollman, responsable des droits des femmes au sein de HRW, une ONG qui a pignon sur rue dans le monde entier, assure que « la loi irlandaise sur l’avortement est en elle-même un affront aux droits humains ». Elle dénonce le fait que même les rares cas où l’avortement est autorisé (en fait il s’agit plutôt de procédures médicales pouvant entraîner la mort du fœtus sans intention de la donner du fait d’un soin nécessaire pour sauver la vie de la mère), le gouvernement se débrouille pour le rendre si inaccessible que la peur de la prison prime tout. Et répertorie des cas où des jeunes femmes, notamment des mineures, n’ont pu aller au Royaume-Uni en raison du « sabotage actif de leurs décisions de santé par l’Etat ».
L’affaire n’est ni anodine, ni marginale. Il existe en effet une forte campagne, depuis plusieurs dizaines d’années, visant à imposer l’idée que l’accès à l’avortement « sûr et légal » est un droit de l’homme qui lie les parties aux différentes conventions internationales. Il n’en est rien juridiquement (pour le moment en tout cas), mais ces campagnes ouvertes couplées avec des affaires judiciaires comme celle pendante devant les juges européens des droits de l’homme laissent entrevoir aussi bien la tactique que le sens où pousse le vent.
Et comme les groupes féministes aux Etats-Unis (j’ai donné ici l’exemple de l’Etat de Washington mais cela se passe aussi en Virginie et dans le Maryland), HRW vise dans son long rapport (texte intégral ici) les centres d’aide aux futures mères qui devraient être étroitement contrôlées afin d’éviter la fourniture de « fausse information » aux femmes. L’ONG vise ainsi explictement toute évocation d’un lien entre le cancer du sein et l’avortement, mais on devine qu’elle veut aussi faire taire les voix qui osent invoquer le traumatisme post-abortif et dénonce d’emblée tout centre d’aide aux femmes qui n’accueilleraient pas les décisions de celles ayant choisi d’avorter avec compassion, humanité et respect.