Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, publie dans Ouest-France du 13 novembre cette tribune : « Faire heureusement la vérité » :
Faire la vérité. Voilà l’impératif qui nous guide, nous, évêques de France. Commencée en 2000, notre réflexion nous a appris, d’année en année, à mieux considérer le drame de la pédophilie et des abus sexuels sur mineurs. Peu à peu, la vérité s’est dévoilée à nous, et nous n’avons pas fini de travailler pour éviter que cela recommence.
Faire la vérité, c’est, grâce aux paroles des victimes, identifier les prêtres ou les religieuxayant commis ces abus. Chacun d’eux doit recevoir la juste sanction méritée tant de la justice civile que du droit de l’Église. Cette justice honore la dignité des victimes. Elle renvoie leurs abuseurs, prêtres ou religieux, à implorer Dieu auquel ils croient afin de changer radicalement leur vie, Lui dont la Bible dit qu’Il « ne veut pas la mort des pécheurs mais qu’ils se convertissent » (Ézéchiel 18,23).
Faire la vérité, c’est, autant que cela nous est possible, recevoir la souffrance des victimesen leur offrant les espaces de parole où elles peuvent s’exprimer avec le temps qui leur est nécessaire. C’est aussi les reconnaître en leur identité de femmes ou d’hommes durablement blessés en raison d’actes pervers subis en leur enfance et jeunesse.
Des évêques, dans leur diocèse, ont pu écouter des victimes et prendre le poids de leur inguérissable douleur humaine et spirituelle. Mais à Lourdes, ce 3 novembre, nous avons ensemble consacré du temps à l’écoute. Collectivement, nous avons pris la mesure de notre responsabilité dans l’accompagnement pour que chaque victime soit reconnue et avance sur un chemin de reconstruction et de libération. Tel est notre devoir de pasteurs guidés par l’Évangile du Christ qui nous invite à prendre soin des plus blessés.
Faire la vérité, c’est travailler ensemble – responsables dans l’Église, personnes victimes et personnes compétentes de la société civile – pour que soient formés celles et ceux – en particulier les futurs prêtres – qui sont ou seront en contact avec les enfants et les jeunes. Il faut que soient reconnus le plus tôt possible les signes annonciateurs d’éventuels abus chez un mineur afin qu’ils ne s’aggravent ni ne se répètent sur d’autres. L’Église, dans toutes ses composantes dont les écoles catholiques, doit être une « maison sûre » !
Pour nous, faire la vérité, c’est demander qu’un regard indépendant, extérieur à l’institution de l’Église, nous dise ce qu’il faut améliorer ou changer dans notre manière de faire. Je suis heureux qu’une commission indépendante s’instaure et nous aide non seulement à faire davantage la vérité mais aussi à comprendre pourquoi et comment ce drame a pu exister. Ainsi, nous continuerons à « lutter contre la pédophilie[1] ».
Pour nous, faire la vérité, c’est entrer dans la conversion personnelle et collective en recevant les révélations d’abus comme un appel à une salutaire purification. Puisque la souffrance d’un membre de l’Église est la souffrance du corps entier, cette conversion passe par la douleur ressentie avec une grande honte, par une demande sincère de pardon, et par un geste symbolique de réparation. La conversion fait revenir à la lumière de l’Évangile que bien des prêtres et des consacrés annoncent avec fidélité : Dieu, Père plein de tendresse, veut le bonheur de ses enfants.
[1] Brochure de la Conférence des Évêques de France, Lutter contre la pédophilie, janvier 20173.