La pastorale des migrants des diocèses de Gap et de Turin ont organisé ensemble deux journées pour échanger et réfléchir sur l’accueil des migrants de chaque côté de la frontière. Voici l’homélie donnée par Mgr Xavier Malle, évêque de Gap, le 27 octobre à l’église Sainte-Catherine et le 28 octobre à la cathédrale de Gap. Le Père Carlos Caetano a présenté le document Migrants mineurs, vulnérables et sans voix, publié par la Conférence des évêques de France.
Jésus sortait de Jericho. C’est la ville la plus basse du monde dans la dépression du Jourdain, à moins de 250 m sous le niveau de la terre. Jésus est descendu au plus bas de la terre pour y rencontrer un homme qui est au plus bas de l’échelle sociale, un aveugle qui mendiait.
Quand on est au plus bas, on n’a plus que Dieu vers lequel crier. « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »
Notons d’abord l’attention de Jésus : il devait y avoir une foule bruyante, comme souvent dans les pays méditerranéens. Il entend ce cri et demande de l’appeler. Et alors réaction magnifique des disciples cachés derrière le pronom « on », après l’avoir rabroué, « on lui dit « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » Voilà une belle parole d’encouragement que nous pourrions dire dans nos rencontre, car basée sur notre propre expérience : « Confiance, il t’appelle. »
La réaction de l’aveugle est surprenante : il jette son manteau, bondit et court vers Jésus.
Jeter son manteau pour un aveugle, c’est la certitude de ne pas le retrouver. De plus, pour un mendiant, son manteau, c’est tout ce qu’il a ! Je suis touché, quand nous accueillons les jeunes migrants : ils n’ont aucun baluchon, à la différence de certain de nos SDF, ils n’ont rien, sauf leur téléphone portable, apporté d’Afrique. Donc là, c’est comme si un migrant jetait son téléphone portable pour aller vers Jésus.
Alors, avons-nous le courage comme chrétiens de partager notre foi : courage, Jésus t’aime, il t’appelle ?
Comment pourrions-nous ignorer la dimension spirituelle des migrants que nous accueillons ? Comment pourrions-nous penser que ces hommes et ces femmes qui ont traversé le désert, la mer, les frontières, … ne crient pas vers Dieu ?
Jésus prends la parole et lui dit « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Non pas «je sais ce qui est bon pour toi», mais «que veux-tu que je fasse pour toi ?». Il est bien sûr dans la position de Dieu qui crée pour nous. Tandis que nous, nous pourrions dire : «que veux-tu que nous fassions ensemble, avec l’aide de Dieu» ?
La réponse de l’aveugle semble évidente : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
C’est ce que le prophète Jérémie annonce dans la première lecture. Le peuple crie : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Dieu réponds : « Voici que je les fais revenir du pays du nord, que je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée : c’est une grande assemblée qui revient. Ils avancent dans les pleurs et les supplications, je les mène, je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël. »
«Ils avancent dans les pleurs et les supplications». Belle description d’une migration, à nos frontières et dans le monde entier. Frères et sœurs, que pouvons-nous faire ? Nous nous sentons démunis. Nous avons aussi un sentiment de danger. Tout cela est légitime. Mais prenons conscience que nous avons un choix à faire : Voulons-nous aller à la rencontre de nos frères et sœurs migrants, pour accueillir ce qu’ils ont de meilleur et leur proposer ce que nous avons de meilleur, comme notre foi en Jésus Christ qui nous a révélé que Dieu est un père, ou choisissons-nous d’aller à la confrontation en les voyant comme un danger à combattre. La fraternité prudente ou la confrontation violente. Que Dieu nous aide. Amen.