Le jeudi 25 février prochain, une chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) examinera la requête de Horst Michael Schalk et de Johann Franz Kopf, deux ressortissants autrichiens de 48 et 50 ans cohabitant à Vienne qui veulent voir reconnaître leur « droit au mariage ». C’est le type même de la demande dont la CEDH de Strasbourg est régulièrement saisie pour faire évoluer le droit dans le sens des « valeurs de progrès » sans intervention du législateur, en se fondant sur l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme pour renverser la pratique, la coutume, la jurisprudence et la loi existant dans les pays membres du Conseil de l’Europe.
Curieusement (?) la procédure normale de publication de l’affaire dans la base de données recensant toutes les affaires dont l’examen a été accepté par la CEDH, soit en chambre comme ici soit solennellement devant la Grande chambre de la Cour, n’a pas été suivie dans cette affaire. Il est d’usage que cette publication soit faite, notamment en vue de permettre aux « tiers intervenants » de demander le droit de s’exprimer à l’audience et de produire des conclusions en vue d’apporter des informations pertinentes aux juges. (Ainsi le Centre européen pour la loi et la justice – ECLJ – avait-il exprimé avec d’autres mouvements les objections à la reconnaissance d’un « droit à l’avortement » réclamé par trois requérantes irlandaises le 9 décembre dernier.)
Ici, rien. La date d’audience a été rendue publique le 10 février, seuls les organisations les plus proches du dossiers ayant pu avant cette date se présenter pour intervenir. Sans surprise, c’est notamment le cas de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, de la Commission internationale des juristes, du Centre « Aire » (conseil sur les droits individuels en Europe) et d’ILGA-Europe, l’Association internationale lesbienne et gay qui avaient demandé leur agrément pour cette affaire le 15 mai 2007 et l’avaient obtenu 10 jours plus tard. Leurs commentaires écrits réclamant conjointement la reconnaissance du « droit au mariage homosexuel » au nom de la dignité humaine, de l’égalité des droits et de la sanction des sentiments de fidélité et d’entraide qui caractérisent selon eux l’union entre Schalk et Kopf sont en ligne et visibles ici.
Le Centre européen pour la loi et la justice, qui aurait eu naturellement vocation à présenter le point de vue contraire, est dont pratiquement exclue de la procédure même si in extremis il lui est finalement possible de soumettre un avis général sur le mariage homosexuel que Schalk et Kopf veulent obtenir sur la foi des articles 8 (droit à la vie de famille), 12 (droit au mariage) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme.
Oubli ? C’est possible évidemment. Mais au détour de cette découverte on s’aperçoit qu’une autre affaire de mariage homosexuel va venir devant la CEDH sans avoir été notifiée selon l’usage dans la base de données de la Cour : celle du « mariage » célébré à Bègles le 5 juin 2004 entre Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier… Dans cette affaire, le magazine gay Têtu a obtenu copie de la déclaration de recevabilité de la requête dès avril de l’an dernier.
Dans le cas de Schalk et Kopf, il n’y eut pas de maire complaisant. Le conseil municipal de Vienne avait rejeté leur demande de mariage en septembre 2002 au motif que seules des personnes de sexe opposé peuvent contracter mariage. Leurs diverses démarches, y compris la dernière devant la Cour constitutionnelle de l’Autriche, aboutirent à des refus qu’ils entendent faire exploser par les juges européens en faisant valoir qu’ils n’ont pas d’autre moyen pour voir leur union reconnue légalement et accéder ainsi à une situation financière comparable à celle des couples mariés. Et la légitimité démocratique dans tout cela ? C’est le principe même de l’existence d’une instance comme la CEDH que de l’ignorer, puisque son interprétation de la Convention des droits de l’homme prime sur les lois nationales…
C’est pourquoi il ne faut pas se méprendre sur l’importance d’une affaire comme celle-ci. Même si la CEDH a été jusqu’ici réticente pour faire reconnaître la vie en couple d’une paire homosexuelle comme constitutive de la « vie de famille » (sans enfants), elle a fait des pas dans cette direction en condamnant la France pour avoir refusé une demande d’adoption faite par une femme vivant en couple avec une autre femme, considérant que le refus constituait une « discrimination » dès lors qu’il se rapportait « uniquement à l’orientation sexuelle » de la requérante. En novembre dernier, le tribunal administratif de Besaçon a ordonné au conseil général de délivrer un agrément d’adoption à Emmanuelle B., qui a vu son parcours judiciaire infléchi en sa faveur par les juges de Strasbourg.
A cela il faut ajouter la pression considérable au sein du Conseil de l’Europe en faveur de la « non discrimination à raison de l’orientation sexuelle ». Il a été question ici du rapport Gross dont l’examen a été repoussé de la fin janvier au mois d’avril afin de donner à la commission parlementaire le temps d’examiner les dizaines d’amendements déposés contre le texte. De son côté le comite des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation en faveur de l’égalité au bénéfice des homosexuels le 2 juillet 2008.
Cela vaut certainement la peine de voir de plus près l’argumentation de ceux qui veulent imposer le « mariage » gay à l’Europe entière par le biais de cette affaire autrichienne. L’opposition de certains Etats demeure importante et les juges le savent : on est ici dans une politique de petits pas mais il me semble qu’ils s’accélèrent ces derniers temps. Notez que le gouvernement du Royaume-Uni est déjà intervenu devant la CEDH en 2007 dans l’affaire Schalk et Kopf contre Autriche pour soutenir que les relations homosexuelles ne sont pas prises en compte en tant que « vie de famille » dans le cadre de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme… Mais sous le feu de questions posés au gouvernement dans la chambre des Lords, et sous la pression d’une intervention de l’Odysseus Trust pour la bonne gouvernance basée sur les valeurs démocratiques plurielles, le gouvernement a amendé ses remarques devant la CEDH.
La question est : qui pilote les LGTB ? Des francs-maçons à coups sûrs !