Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, a été interrogé dans le numéro de Golias du mois de novembre, à propos du diaconat féminin. Mgr Brunin a présidé au sein de la Conférence des évêques de France le Conseil famille et société. Le pape François a convoqué pour octobre 2019 un Synode sur l’Amazonie. Mgr Kraütler, évêque émérite de Xingu (Brésil) et ami dedes lecteurs de Golias, estime que la pénurie de prêtres est si « horrible » (90 % des fidèles de sa région n’a pas accès à l’eucharistie et ne fait plus la différence entre une liturgie de la Parole catholique et une cène protestante) qu’il appelle non seulement à l’ordination d’hommes mariés mais encore de diacres féminins.
Golias Hebdo : Père Brunin, l’Association des prêtres catholiques d’Irlande demande une pause diaconale à leur évêque « jusqu’à ce que la commission des diacres féminins au Vatican ait terminé son rapport et que le pape François ait pris une décision basée sur ses conclusions ». Elle estime que ce serait ajouter au « cléricalisme masculin », y voyant même une « extension du patriarcat ». Est-ce, pour vous, une attitude prudente et sage ? Partagez-vous cette analyse ?
En août 2016, répondant à une interpellation d’une assemblée de religieuses, le pape François a décidé de mettre en place une commission pour aborder la question du diaconat féminin dans l’histoire de l’Eglise. Il semblerait que les formes du diaconat féminin comportaient des spécificités liées au contexte historique. Sur la base des apports de cette commission d’experts, dans laquelle siègent des femmes, le pape pourra engager une recherche pour penser un ministère diaconal féminin qui ne soit pas une simple duplication de la forme actuelle du diaconat permanent. C’est un processus qui est ainsi engagé pour discerner les formes pertinentes d’un « diaconat féminin » qui pourrait être proposé à la réflexion de toute l’Eglise.
On dit souvent dans l’Eglise que les ministères ne sont pas des pouvoirs mais des services pour exclure les femmes de l’Ordre. Mais cet argument n’est-il pas la preuve qu’il s’agit de pouvoir, justement ? En quoi le genre rend-t-il le service plus efficace ? Le P. Donovan s’interroge sur la « nature des relations que les prêtres entretiennent avec les femmes ». Ne s’agit-il pas d’un des nœuds de ce problème ?
Je constate que la plupart des prêtres et des diacres sont de plus en plus engagés dans des relations de proximité et de collaboration avec les laïcs. Il m’arrive souvent de dire aux communautés que je visite dans mon diocèse, que les ministres ordonnés sont trop souvent perçus comme des « prestataires de service », plus que comme des hommes de pouvoir. Je pense qu’il nous faut progresser dans l’établissement de relations plus justes entre laïcs et ministres ordonnés. Je reconnais que la formation des prêtres est importante pour rechercher cette justesse dans les relations. La plupart des séminaristes ont exercé une activité professionnelle et ont eu l’expérience de relations de collaboration avec des collègues, femmes et hommes. Cette expérience acquise dans la vie professionnelle et associative, doit être poursuivie et réfléchie en Eglise, pour l’exercice du ministère.
Le pape François insiste pour que la synodalité puisse se vivre de façon effective à tous les niveaux de l’Eglise. Dans nos diocèses, elle met déjà au coude-à-coude, laïcs, consacrés, diacres et prêtres. Cette expérience synodale appelle l’implication de tous les baptisés, hommes et femmes. Un Conseil diocésain du Peuple de Dieu est mis en place dans le diocèse du Havre. Ses membres ont désigné une secrétaire générale que j’ai nommée avec un bureau composé de deux femmes et d’un homme.
Ce Conseil d’une quarantaine de personnes implique chacune et chacun dans la définition des orientations du diocèse, dans l’évaluation de la pastorale qui y est menée, et dans l’examen de la pertinence des propositions et initiatives définies pour la vitalité des communautés et l’annonce de l’Evangile. C’est une instance de partage, de discernement et de dialogue. Comme évêque, j’ai tenu à l’existence de ce Conseil qui est essentiel dans la gouvernance du diocèse. Dans ces instances de synodalité, on ne se partage pas un pouvoir, on cherche à discerner pour porter ensemble l’annonce de l’Evangile. Nous le vivons à égalité, hommes et femmes, dans la diversité de nos vocations. Nous sommes mis au défi de chercher les complémentarités, plus que de nourrir des concurrences.