Une dépêche de l’AFP nous informe que les cathos de gauche sont encore là, au cas où nous ne nous en serions pas aperçus :
“On les dit souvent inaudibles, menacés d’extinction face au réveil des courants conservateurs. Mais les catholiques engagés à gauche n’ont pas dit leur dernier mot, regonflés par le message d’ouverture du pape François et ses prises de position sur l’écologie, les inégalités, les réfugiés.
Le succès des manifestations de 2012 et 2013 contre le mariage homosexuel a pu accréditer l’image d’une sociologie catholique entièrement gagnée par les courants les plus observants et traditionnels, sinon identitaires.
Les commentateurs ont même vu la main du mouvement Sens commun, émanation politique d’une partie de La Manif pour tous, dans le succès de François Fillon, qu’il avait soutenu comme personne, à la primaire de la droite. Mais l’ancien Premier ministre a échoué au premier tour de la présidentielle, et la donne semble avoir changé. Déjà, avant le premier tour, trois étudiants avaient signé dans Le Monde une tribune remarquée: “Nous, jeunes catholiques, refusons de laisser à la droite le monopole des valeurs chrétiennes”.
Leur manifeste est devenu un “Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien”, qui vient de paraître aux éditions de l’Atelier. Plutôt que d'”ériger le catholicisme en rempart contre la modernité”, écrivent Pierre-Louis Choquet, Jean-Victor Elie et Anne Guillard, “il est urgent d’agir vigoureusement contre la montée des inégalités économiques, le délitement des liens sociaux et la dégradation continue des écosystèmes”.
“Nous étions agacés de voir que le seul thème rendu visible, c’était les questions bioéthiques. C’est une attention qu’il faut avoir, mais c’était une telle obsession qu’il n’y avait plus de place pour rien d’autre”, explique à l’AFP Anne Guillard, double doctorante en philosophie politique et théologie, et catholique pratiquante comme ses deux amis, rencontrés dans les réseaux jésuites parisiens. Leur plaidoyer est un “appel au dialogue” avec “les hommes et les femmes de notre temps”, alors que le conservatisme leur paraît une “voie sans issue”.
Leur démarche n’a pas échappé au député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, fondateur d’Esprit civique, un “think tank” qui tient ce week-end sa cinquième “université populaire”. Un cercle “cousin” des Poissons roses, courant évoluant dans les eaux du PS qui se réclame lui aussi du personnalisme d’Emmanuel Mounier et des philosophes Paul Ricoeur et Emmanuel Levinas.
“Le courant social chrétien à gauche est dépositaire d’une tradition qui a été extrêmement fertile, mais il y a eu une rupture de transmission. Aujourd’hui nous sommes quelques-uns à souhaiter une passerelle entre la tendance Jacques Delord et la nouvelle génération”, confie le parlementaire. Emmanuel Macron, ancien assistant de Ricoeur, peut-il l’incarner ? Dominique Potier en doute: “Son moteur semble davantage l’individualisme libéral” qu’une “vision de la personne” humaine.
Peut-on parler d’un frémissement des “cathos de gauche”, qui se présentent rarement comme tels et préfèrent se dire d'”ouverture” ou “en liberté” ? Pour le philosophe et sociologue des religions Jean-Louis Schlegel, “ils sont absents médiatiquement et ne font pas le buzz. Mais ils restent présents sur le terrain social, c’est leur façon d’être chrétiens”. Avec cependant des effectifs vieillissants dans de nombreux mouvements (Caritas, CCFD…), sauf évidemment la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), qui donne en ce moment de la voix contre la réforme du droit du travail.
L’essayiste catholique Jean-Pierre Denis lit dans ce possible réveil un effet pape François: “Les catholiques conservateurs sont sur la défensive, alors que pendant les années Jean Paul II et Benoît XVI, les progressistes rasaient les murs. Il y a un changement de perspective”. Bien sûr, les catholiques engagés à gauche sont une minorité. Mais “qui a des troupes dans l’Eglise? Le scoutisme, principalement les Scouts et Guides de France. Qui a un budget conséquent? Le Secours catholique. Qui touche le grand public? L’enseignement catholique. Des institutions qui, globalement, ne sont pas conservatrices”, relève l’éditorialiste. Toutefois, poursuit-il, “la question ne se pose plus toujours comme nous, dans les médias, avions l’habitude de l’aborder”, sur un échiquier droite-gauche. A l’exemple de la revue Limite, conçue par de jeunes plumes aussi hostiles au libéralisme économique qu’au progressisme bioéthique. En même temps anti-mariage gay et écolos voire décroissants.