IX.
Le Père Bruté est appelé à diriger un nouveau diocèse en Indiana
En 1833, les évêques réunis pour le deuxième concile provincial de Baltimore, envoyèrent le nom du Père Bruté à Rome afin qu’il devienne l’évêque du nouveau diocèse qu’il convenait d’ériger pour l’Indiana et l’Illinois oriental : le diocèse de Vincennes.
Le Père Bruté était devenu l’un des plus respectés théologiens et conseilleurs de nombreux évêques de ce temps et tout particulièrement des conciles de Baltimore.
Quand le Père Bruté eut vent que sa nomination partait pour Rome, à la fin de 1833, il fit tout ce qu’il put pour convaincre chaque évêque qu’on ne devait pas le nommer évêque. Dans une lettre à Joseph Rosati, évêque de Saint-Louis, il dit qu’à l’âge de 54 ans il se sentait prématurément vieilli et qu’il était en mauvaise santé : « Cette année, ma santé à fléchi si vite que tout le monde pensait que j’étais sur mon déclin. »
En fait, il aurait bien pu être déjà atteint de la tuberculose qui allait l’emporter. Il affirmait qu’il était infirme et qu’il lui serait impossible de monter à cheval pour parcourir les pistes des missionnaires. Il se disait même atteint de mélancolie. Il avançait l’argument qu’il n’était qu’un solitaire : « Vous avez constaté que j’ai évité tous les banquets lors du concile. Je n’ai acquis aucun des usages américains et, tout bien considéré, je suis inapte à les jamais acquérir. Je suis toujours avec mes livres dans mon coin au troisième étage ou chez les Sœurs. »
Il protestait en disant que les religieuses et ses étudiants étaient « habitués à son anglais mâtiné de hollandais ou de français », mais que personne ne lui demandait de prêcher : « Ayant perdu très tôt toutes mes dents, et m’étant négligé de plus en plus, je suis incapable de parler en public. »
Il prétendait que de défaut principal qui le disqualifiait pour être évêque était son absence totale de capacité administrative.
C’était le sens général des arguments que le Père Bruté avançait lorsque, en juillet 1834, arrivèrent de Rome les documents érigeant le diocèse de Vincennes et le nommant pour être son premier évêque. Ils écrivit à ses amis évêques : Rosati, Flaget et David, Chabrat et Purcell, tous les évêques de l’« Ouest » – Saint-Louis, Bardstown et Cincinnati. Il s’abandonnait à leur décision. C’est d’une voie unanime qu’ils lui dirent d’accepter. Il n’avait plus d’autre choix. Dans la prière, l’évêque élu s’en remit à la volonté de Dieu.
En vérité, la pensée de se rendre dans les régions sauvages de l’Indiana et de l’Illinois parlait à son cœur missionnaire et pastoral.
Le nouvel évêque dut emprunter de l’argent pour se rendre dans le treizième diocèse fondé dans le Nouveau Monde. Il n’eut pas les moyens d’emballer et d’expédier sa chère bibliothèque. Elle suivra plus tard. Il possédait 240 $ que les Sœurs de Mère Seton à St. Joseph avaient quêtés pour lui. Sa précieuse bibliothèque et une montre en or qu’on lui avait offerte, constituaient ses seuls biens. Plus tard, il demanda qu’on lui envoie le crucifix de laiton qu’il avait dans la pièce où il recevait les confessions de ses chères Sœurs, y compris celle de la future sainte Elizabeth Ann Seton. Il laissa un mot d’adieu à Mère Rose White, la supérieure qui avait succédé à Mère Seton : « Priez, priez pour Simon. » Et il entreprit son périple en descendant l’Ohio sur un bateau à vapeur. Sur son chemin il fit des arrêts à Cincinnati et à Louisville. Il put alors retrouver son vieil ami et mentor l’évêque Benoît-Joseph Flaget de Bardstown, qui a rapporté ses impressions sur l’évêque élu : « Durant les cinq jours que j’ai passés en compagnie de ce successeur des Apôtres, je n’ai rien fait d’autre que d’écouter, d’admirer et de bénir la Providence qui atteint ses fins par des moyens inexplicables, ce qui, aux yeux du monde, n’apparaît que comme pure folie. »
« L’apparence quelque peu singulière de cet excellent prélat, le mouvement perpétuel de ses doigts, de ses mains, de sa tête et de tout son corps pendant qu’il s’exprime, son anglais totalement prononcé à la française et sortant d’une grande bouche édentée sembleraient le rendre complètement inefficace pour la fonction qu’on lui avait assignée, pour ne pas dire risible ou ridicule. Mais ! mon Dieu [en français dans le texte], quand il célèbre la Sainte Messe, quand il parle de Jésus-Christ, de Son amour pour les êtres humains, mon cœur se dilate et est enflammé comme ceux des disciples d’Emmaüs. Je suis transporté. Alors j’espère contre toute espérance et je prévois les miracles sur miracles qui seront ouvrés par ce vénérable Apôtre. Au cours des temps, l’Eglise a appris qu’avec Dieu toutes choses sont possibles. »
L’évêque élu et son ami, l’évêque Flaget, se mirent en route pour Saint-Louis où Simon devait recevoir le sacre épiscopal des mains de l’évêque Rosati. Ils voyagèrent, cette fois, par voie de terre car le nouvel évêque de Vincennes voulait visiter, en route, la ville de son siège.
L’ancienne église Saint-François Xavier (1732) de Vincennes qui allait devenir la cathédrale de Simon Bruté
Demain :
X. L’évêque Bruté arrive à Vincennes et commence à édifier son diocèse
© Most Rev. Daniel M. Buechlein, Archbishop of Indianapolis (Indiana)
© Daniel Hamiche pour la traduction française.