Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, livre ses réflexions sur le second tour :
«À plusieurs reprises, les Évêques de France ont donné des éléments de réflexion et de discernement concernant le sens du politique et les élections. Ils renvoient chacun à sa conscience et à ses responsabilités. Il est toujours temps de s’y reporter.
Dans le climat actuel, je livre aux habitants de l’Oise qui le veulent bien, notamment aux chrétiens catholiques, les réflexions suivantes.
Plus les enjeux d’une élection sont importants, plus il revient à chacun d’y participer. Quels que soient les habillages que nous puissions lui donner, l’abstention revient ultimement à démissionner de ses responsabilités.
Aucun candidat ne peut porter toutes les attentes pour l’avenir de notre Pays. Dans notre société mouvante et se globalisant, toutes les cultures sont bousculées, jusque « chez elles », et de nouvelles réalités s’invitent posant des questions inédites touchant à l’être humain et aux manières de « faire société. » Ceci est particulièrement vrai pour les chrétiens, dans une société sécularisée. Vouloir revenir à un passé idéalisé est illusoire ; se crisper sur des positions préétablies isole et enferme avant de faire disparaître ou d’être source de violences ; bâtir l’avenir en « apprentis sorciers » faisant table rase du passé fait courir des risques insupportables aux générations à venir et à ceux qui ont plus de difficultés à se projeter sur demain. Le cadre minimal nécessaire pour construire sans exclure ni opprimer personne, est défini par la recherche du bien commun (il dépasse les intérêts particuliers), et par le respect de la dignité de toute personne humaine, (y compris celles qui sont en situation de fragilité ou de détresse). À cet égard, l’attitude du Christ donne une orientation qui ne peut être ignorée ou réduite. C’est ce défi que les chrétiens doivent relever, avec courage, confiance et générosité.
Au-delà des élections présidentielles, viendront les élections législatives. Mais dès maintenant, le quotidien réclame son dû.
Le Christ est notre référence, dépassant les choix politiques de chacun, et au-delà des résultats électoraux de tel ou tel scrutin. Nous savons que le Christ ne compose pas des communautés « homogènes ». Elles ne sont pas des « clubs » dont les membres se choisissent ! (Rappelons-nous la diversité des 12 apôtres que Jésus a appelés à sa suite). C’est le « miracle » du Christ en son Église de rassembler des personnes différentes dans leurs origines, leurs cultures, leurs aspirations, leur lecture des réalités humaines, pour les unir dans une même foi en l’amour libérateur de Dieu pour tous les hommes, et leur confier d’en être les témoins divers et solidaires, partout où hommes et femmes vivent. Après demain, le Christ nous demandera d’avancer sur des chemins de fraternité, de solidarité, de témoignage où aucune tendance ne pourra prétendre incarner tout le message du Crucifié, mais où chacune sera appelée à y apporter son humble contribution. Il nous faudra retrouver ou inventer des chemins de rencontre et de dialogue, où chacun sera porteur, non de la vérité toute entière, mais d’une recherche du bien commun, en pensant aux conséquences de ses options pour aujourd’hui et demain, sur son entourage et au-delà.
Sans leur manquer de respect ou porter atteinte aux responsabilités qui leur seront confiées, nous savons que l’avenir de l’Oise et de notre Pays ne dépendra pas du seul président de la République, ni des seuls Députés (et Sénateurs). En absolutisant leur rôle, nous risquons fort de perdre de vue nos responsabilités. Elles ne se résument pas à l’exercice du droit de vote. L’avenir se construira avec chacune et chacun de nous, et il se construira mieux si chacun veut bien accepter d’y prendre une part humble, ouverte et généreuse, où la rencontre, le dialogue et le cheminement avec l’autre seront marqués par le respect mutuel.
Me rappelant les nombreuses rencontres que j’ai faites dans l’Oise, depuis 7 ans, je vous assure, comme Pasteur qui vous a été donné, que nous avons des ressources humaines et spirituelles en réserve pour relever les défis de l’avenir, comme chrétiens et comme citoyens. Nous nous rappelons les efforts héroïques accomplis par les générations qui nous ont précédés pour relever notre Pays des drames humains et sociaux du XXème siècle. Allons-nous manquer de relever les défis qui sont les nôtres aujourd’hui, pour que notre Pays et notre département soient toujours terres généreuses et fécondes de liberté, d’égalité et de fraternité ?»