Selon Jeanne Smits, les responsables de l’Enseignement catholique d’Ille-et-Vilaine et de l’archevêché ont manifestement très moyennement apprécié que Reinformation.tv publie un reportage sur la lecture de livres pornographiques, comportant des scènes de sexe insoutenables, imposés à des jeunes de 15, voire de 13 ans dans les écoles catholiques les plus prestigieuses de Rennes. L’enquête d’Armel Joubert des Ouches a visiblement touché un point très sensible. Visionné à des dizaines de milliers de reprises – plus de 100.000 vues sur deux pages Facebook seulement, sans compter notre site et tous ceux qui l’ont repris – la vidéo montre plusieurs jeunes fracassés par des lectures immondes imposées par leurs professeurs dans des écoles catholiques sous contrat.
Les responsables du diocèse en sont à faire de la gestion de crise. Ils ont adressé une lettre à tous les chefs d’établissement et aux communautés éducatives de l’Enseignement catholique d’Ille-et-Vilaine. Ils accusent Reinformation.tv d’avoir diffusé un « reportage entièrement à charge, parfois diffamatoire et mensonger ». Ce que nous en pensons ? L’omerta continue. Il y a des tabous auxquels on ne touche pas. La réputation des écoles catholiques doit être protégée même quand les faits crient vengeance au Ciel. La lettre, signée « J.L. Leber, Directeur de l’Enseignement Catholique d’Ille et Vilaine », ose parler du « respect infini de la conscience des jeunes » que porte ledit Enseignement catholique.
“On imagine la réunion fébrile où le directeur de la communication du diocèse, sans doute, avec Mgr d’Ornellas ou son représentant, les APEL locaux et peut-être même les directeurs des établissements visés ont cherché dans l’urgence à établir une ligne de défense. Elle est – osons le mot – pitoyable. Et elle tient en une idée, une maigre riposte. Reinformation.tv s’est focalisé, dit-elle, sur quelques erreurs, le choix d’ouvrages contenant des scènes de sexe explicites, choix qui « s’il est délibéré, est une faute morale », explicable parfois par le manque d’un « juste discernement » de la part d’enseignant. Mais c’est une goutte d’eau face au travail admirable de l’Enseignement catholique d’Ille-et-Vilaine avec ses 5.000 enseignants « qui œuvrent depuis des années, pour mettre en œuvre avec passion et engagement, la mission pédagogique, éducative et chrétienne que lui a confiée l’Eglise et ici accusés de laxisme ou d’intentions malsaines ».
RITV aurait pris l’infime partie pour le tout, avec pour unique objectif de « nuire à l’Enseignement catholique, discréditer l’action éducation des établissements catholiques de notre diocèse et ternir l’image et l’action de notre évêque ». Nous aurions voulu laisser croire que « la pornographie a envahi (ses) établissements ».
Non ! Nous avons montré des cas réels, scandaleux, révoltants du viol de la conscience de jeunes adolescents, des cas qui ont été signalés aux autorités par les parents et qui n’ont pas été réglés dans la justice. Aucun des jeunes évoqués dans le reportage d’Armel Joubert des Ouches n’a reçu de l’école où se sont produits ces faits réels, non contestés par la lettre de Jean-Louis Leber, le soutien moral, psychologique, spirituel qu’il était en droit d’attendre. Une lettre d’excuses, sans mesures concrètes, adressée à « Tiphaine » par le secrétaire général de l’Enseignement catholique, Pascal Balmand, ne constitue pas une réparation. Le fait que ces parents, ces jeunes aient tenu à témoigner montre que la blessure est bien là, l’agression n’a pas été prise en compte comme il le fallait, les responsables n’ont pas été sanctionnés. C’est ce que raconte Tiphaine : « Le directeur défendait complètement le professeur, c’était eux qu’on attaquait et pas moi. » L’invention de nos vies, de Karine Tuil, le prix Goncourt des lycéens qu’elle devait lire en seconde en vue d’un devoir écrit, décrit entre autres un viol sur mineure et une tournante dans une cave…
Le petit gamin de 13 ans exposé à la lecture d’Autobiographie d’une courgette de Gilles Paris, lui, a découvert avec horreur des scènes pornographiques en langage enfantin. Il en a perdu le sommeil. C’est à la dégringolade de ses notes que ses parents doivent d’avoir découvert, plusieurs mois plus tard, le mal qui rongeait leur fils. Et il a fini par demander à ses parents ce que signifiait pour eux, en tant que couple, le fait de « manger un zizi ». Le livre, lui, a été encensé par le professeur de français, par la direction de l’école et par l’APEL qui jamais n’ont voulu reconnaître qu’il posait un grave problème. Cette lecture imposée n’a à aucun moment été considérée comme une « erreur ». Et c’est un livre – cela peut se vérifier sur internet – qui est recommandé dans d’autres écoles catholiques à travers le pays.
« Mais comment laisser penser dans un reportage, que 3 ou 4 situations malheureuses, advenues en quelques années, et qui n’auraient pas dû être, dans 2 ou 3 des 357 établissements catholiques d’Ille-et-Vilaine, font de notre réseau un repère (sic) de pornocrates et de pervers ? », interroge Leber. Eh bien, notre reportage ne fait pas cela. Il rapporte des faits en montrant que ceux-ci n’ont pas été réglés selon la justice et le droit moral des jeunes et des parents. Il souligne que ce ne sont pas des cas isolés, mais il ne dit pas qu’il en va de même partout. Cela dit nous avons d’autres témoignages. Sans doute en recevrons-nous d’autres… L’important est que les parents sachent, qu’ils soient attentifs aux lectures imposées à leurs enfants, et que les responsables des écoles… prennent leurs responsabilités.
En insistant sur l’engouement pour l’enseignement privé et l’excellence des résultats des établissements catholiques du diocèse de Rennes, au lieu de s’engager à faire ce qu’il faut pour que de tels faits ne se produisent plus, la lettre de Jean-Louis Leber se révèle comme un symptôme du problème, et non comme une justification. C’est l’art de botter en touche en niant des faits et en « oubliant » qu’en ce qui les concerne, les autorités ont failli.
Je vous livre ses trois derniers paragraphes, modèles de la langue de bois et de la langue de buis :
« Il ne m’appartient pas de juger les motivations, les ancrages politiques ou idéologiques des auteurs de ce reportage, mais je ne peux qu’inviter tous ceux qui en sont destinataires à bien décoder les mécanismes de sa construction et montage ainsi que les buts recherchés. Il nous appartient de faire respecter et de promouvoir la réalité de l’Enseignement Catholique.
« L’Enseignement Catholique poursuit depuis des décennies, dans le monde dans lequel il se trouve, sa mission d’éducation. Elle est sans doute de plus en plus complexe dans ces temps ou (sic) toutes les vérités sont relatives et relayées sans filtre au plus grand nombre. Nous mesurons plus que jamais les enjeux d’éduquer à la responsabilité, à la liberté, d’apprendre à penser, de former au juste discernement et à la complexité.
« Je refuse de céder à ces modes de pensées binaires et clivants, qui activent les leviers de l’émotion, de la peur ou du jugement de valeur. Je crois à l’éducation patiente qui produit des fruits dans la longue durée, à la ferme et juste bienveillance qui est à la fois exigeante, porteuse de sens. Je crois que le dialogue direct et sincère est le ferment de toute action éducative aboutie entre des parents, des enseignants ou un établissement. Je crois que “si le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit”. »
Silence ! Il faudrait donc s’incliner devant la « complexité » du monde et cesser d’être « clivants » parce qu’aujourd’hui, il est plus grave de porter un jugement de valeur sur une lecture infecte que de se tromper en l’imposant à une classe de 5e ou de 2e… Eh bien, nous ne nous tairons pas. Il y va du cœur de nos enfants, et surtout de leurs âmes. A la différence des images ou des paroles violentes, les récits pornographiques entraînent une participation de celui qui les reçoit, volontairement ou involontairement. Ils souillent l’imagination, brisent et corrompent le regard. Sur des jeunes, ils produisent un effet dévastateur. « Les jeunes ont déjà tout vu, ils ont accès à la pornographie quand ils veulent » : cette autre ligne de défense, souvent opposée aux parents qui manifestent leur colère, y compris dans les plus prestigieux collèges catholiques – et j’en ai été personnellement témoin – ne tient pas une seconde.
Le réalisateur de l’enquête, Armel Joubert des Ouches, a contacté le diocèse avant de boucler son reportage. Le responsable de la communication, Jelle Lemaître a été sollicité à plusieurs reprises, sans jamais réagir ni rappeler. Il a été renvoyé vers Jean Matos, « chargé de mission bioéthique pour le diocèse de Rennes » qui au cours d’un échange téléphonique épique de plus de 15 minutes a répété en boucle qu’il n’était « responsable de rien ».
Irresponsables.