D’Olivier Gosset, parent d’élèves et enseignant, membre de « Parents Pour l’École »
Préparant les élections à venir, le Secrétariat général de l’Enseignement Catholique vient de publier un livret. Intitulé “Pour l’école. Des convictions pour avancer“, le document donne une idée précise des attentes de l’enseignement privé sous contrat.
Reconnaissons tout d’abord que le texte proposé est de qualité. Mise en page soignée et réflexions de fond, nous sommes loin des élucubrations portant sur l’école et son hypothétique réenchantement. Mieux encore, les signataires du texte renoncent aux slogans faciles comme au jargon pédagogique.
Derrière ces qualités s’énoncent toutefois des vérités qui étonnent. Ici, on apprend que l’institution entend «donner toute leur place aux langues vivantes et anciennes». Là, il est dit qu’il convient d’«encourager la liberté, la subsidiarité et l’expérimentation». Pour qui sait comment les autorités de l’enseignement privé cautionnèrent la réforme du collège, de telles proclamations ne peuvent que surprendre. Etait-ce faire preuve de subsidiarité que d’entériner ce projet avant même qu’il ne fût discuté en conseil des Ministres? Respecta-t-on les langues, anciennes ou modernes, en approuvant des dispositions qui en rendirent difficile voire impossible l’enseignement?
Volontaire ou accidentelle, cette amnésie révèle d’autres intentions. L’institution, gonflée par l’arrivée de nouveaux inscrits, se place désormais en position de force pour négocier des avantages nouveaux. Il importe, assurent les rédacteurs du document, de « reconsidérer l’usage du 80/20 » qui empêche à l’école catholique de répondre à une demande croissante. De même, il est demandé de « garantir des politiques sociales équitables pour les familles par exemple en matière de restauration scolaire ». Enfin, on aimerait que soit reconnu « un statut particulier pour l’immobilier scolaire privé ». Ne se pose plus la question des finalités, mais celle des moyens. II ne s’agit plus de savoir quelle école on désire mais bien quelles conditions d’enseignement on réclame.
Contrepartie de ces matérielles exigences, l’enseignement privé sous contrat fait preuve d’obédience. Le but est de redonner à l’école « son rôle de formation à la vie sociale et de laboratoire de la fraternité ». Mieux, on aimerait « abaisser l’âge de la scolarisation » pour favoriser « la première socialisation ». Relevant d’une politisation du fait scolaire, semblable conception inquiète : la vocation d’une école chrétienne est-elle bien de former un citoyen modèle ? L’Eglise n’a-t-elle pas mieux à offrir que les espérances d’un catéchisme civique ?
A ce titre, on remarquera que la dimension spirituelle de l’Enseignement Catholique est passée sous silence. Tout au plus apprend-on, à la première page du livret, que l’ « Enseignement Catholique » propose une « offre ancrée dans la tradition vivante de l’Eglise ». Une fois cette concession faite, rien n’est dit sur les spécificités de l’enseignement chrétien, rien n’est exigé en vue de garantir son rôle missionnaire.
Dès lors, la revendication d’une indépendance, esquissée au détour d’une page, surprend. Certes, on espère que soit confiée « la pleine responsabilité de l’établissement au chef d’établissement ». Mais comment revendiquer une telle liberté après avoir souscrit aux cadres qui la contraignent ? Peut-on espérer l’indépendance quand on fit œuvre d’allégeance ?
Si elles ont l’avantage d’être clairement formulées, ces Convictions pour avancer ne risquent pas de nous mener bien loin. Ce que révèle ici le Secrétariat général de l’Enseignement Catholique est une recherche du confort sans péril, l’assurance de pouvoir faire comme les autres à condition d’avoir les mêmes avantages que les autres. On espère des élèves bien nourris, pas trop nombreux et dûment encadrés par les directives de la rue de Grenelle. S’annonce ainsi une école publique, payante et de qualité. Une école du confort mais une école sans liberté.