Les évêques sont très occupés. Dans son rapport annuel 2016-2017, l’Observatoire de la laïcité publie l’audition des représentants de la Conférence épiscopale, en l’occurrence… Corinne Boilley et Anne-Violaine Hardel :
Audition de Mme Corinne Boilley, secrétaire générale adjointe de la Conférence des évêques de France :
Monsieur le président, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et Messieurs les membres de l’Observatoire de la laïcité,
Le culte catholique est organisé autour d’une centaine d’associations diocésaines, c’est-à-dire des associations cultuelles, une par diocèse. La moitié de nos prêtres (15.000 dont 2.000 venus de l’étranger) ont plus de 65 ans aujourd’hui, ce qui demande des soins spécifiques. Nous avons également plus de 10.000 salariés dans nos diocèses. Ces charges et salaires constituent un enjeu considérable. À peu près 3.000 églises ont été construites après la loi de 1905 et 36.000 restent la propriété des collectivités et de l’État. Mais ces 3.000 églises représentent une charge très importante. L’Église catholique dispose d’autres lieux, notamment pour l’animation pastorale, qui supposent d’importantes charges. Nous constatons une tension forte entre d’une part une créativité et un dynamisme qui participent à une meilleure recherche et réaffectation des ressources, et d’autre part l’émergence de textes législatifs et règlementaires qui ne prennent pas en considération le culte et ses réalités. Comme cela a été dit, c’est le cas des contrats aidés, de la possibilité d’administrer des biens immobiliers qui ne nous sont pas accessibles et admis, etc. La loi sur la « République numérique », là encore, exclue les associations cultuelles de la collecte de dons par voie numérique. On nous dit à chaque fois que cette exclusion n’est pas volontaire, mais, à vrai dire, la répétition nous inquiète très sérieusement. Je vous remercie.
?Mme Anne-Violaine Hardel, directrice juridique de la Conférence des évêques de France :
Mesdames et Messieurs, je confirme le propos de Madame Boilley : la question des ressources des associations cultuelles demeure un vrai sujet de préoccupation, celles-ci n’ayant pas été réévaluées depuis plus de 10 années. De façon plus générale, nous avons une autre inquiétude, aujourd’hui, sur la laïcité et son invocation : est-ce que l’on nomme bien les problèmes ? Il faudrait que l’usage de ce terme soit plus sérieux, pour éviter l’instrumentalisation de la laïcité. Il est par exemple absurde de penser que la laïcité serait la neutralité de l’espace public. C’est un véritable contresens. Également, la loi « Travail » votée en aout 2016 permet désormais l’introduction d’un principe de neutralité dans le règlement intérieur de l’entreprise privée : Quelle est la source légale et/ou constitutionnelle d’un tel principe appliqué à l’entreprise privée sachant que la laïcité n’implique que la neutralité de l’État, des collectivités publiques et du service public ? Aujourd’hui, c’est l’ensemble des libertés publiques qui est questionné. Enfin, nous avons été inquiétés par un projet de décret visant à former les aumôniers à la laïcité via les diplômes universitaires (DU) et à subordonner le maintien des aumôniers dans leur fonction à l’acquisition obligatoire de ce diplôme. La nomination à la fonction d’aumônier par le culte d’origine, conformément à la nécessité de se conformer à l’organisation du culte concerné en application de la loi du 9 décembre 1905, ne serait donc plus le seul élément déterminant. En rendant obligatoire l’acquisition de ce diplôme, l’État ne décide-t-il pas in fine en lieu et place du culte concerné, qui peut être aumônier et qui ne peut pas l’être ? Alors que le régime des cultes tel qu’il a été bâti depuis la loi du 9 décembre 1905, s’entend de la non-immixtion des religions dans le fonctionnement des pouvoirs publics, il s’entend aussi de la réciproque: soit la non-immixtion des pouvoirs publics dans le fonctionnement des institutions religieuses. L’un ne va pas sans l’autre !