Éditorial de la revue diocésaine de mars 2017, par Mgr Hervé Giraud :
Parmi d’autres signes, le climat de la campagne électorale semble traduire une difficulté à instaurer un véritable dialogue dans la vie publique. Il s’agit actuellement plus d’en découdre que d’élaborer, avec science et conscience, des perspectives de réforme et de gouvernance compatibles avec les données qui s’imposent. Peut-être s’agit-il du symptôme d’une crise d’individualisme qui guette tout corps social oublieux de sa raison d’être ?
C’est dans l’ambiance plus tourmentée encore de la Seconde Guerre mondiale qu’est née la Mission de France, élan généreux de prêtres soucieux des campagnes trop profondes ou des faubourgs déjà trop ghettoïsés. Or, en souhaitant se faire proches des hommes et des femmes de leur pays, ces prêtres de la Mission de France manifestaient simplement la nécessité évangélique de rejoindre chacun, malgré tout ce qui cause son isolement. Une Église réellement apostolique implique, selon l’expression de saint Paul, de “se faire tout à tous ” (1 Co 9,22) et cet appel à l’empathie trouve aujourd’hui un fidèle écho dans les appels répétés du pape François à nous ouvrir à l’altérité. Cela suppose proximité avec le monde et recul ou au moins relecture vis-à-vis de ses options ; cela suppose proximité avec la foi et capacité de s’en faire le fidèle interprète auprès de ceux qui la croient inaudible. On ne sera donc pas surpris, en lisant le dossier consacré à la Mission de France, de constater la diversité des engagements de ses membres : diversités de domaines, de conditions de vie, de milieux, de générations, d’apostolats, de pays…
Mais bien évidemment, s’il a paru opportun au comité de rédaction de notre magazine diocésain de s’arrêter, le temps de ce numéro, sur la Communauté Mission de France, c’est parce que notre diocèse a une relation ancienne et incarnée avec cette institution. Il fallait un port d’attache à cette communauté de prêtres décidés à “avancer au large” et c’est la vaste nef de Pontigny, en terre icaunaise, encore résonante de l’appel radical des cisterciens, qui lui fut assignée par le pape Pie XII. Et puisqu’il fallait que les successeurs des apôtres veillent sur cette œuvre, c’est l’archevêque de Sens & Auxerre qui reçoit cette autre mission, depuis un peu plus de vingt ans. Voyons donc dans ces liens particuliers une invitation à découvrir des pratiques spirituelles et apostoliques. La Mission de France a une culture affirmée du dialogue et de la relecture. Il peut s’agir d’un cas à méditer pour ouvrir des voies nouvelles de collaborations entre diocèses, entre communautés, pour une plus grande transversalité de l’annonce de l’Évangile, une plus grande fraternité missionnaire. Plus largement, rappelons-nous que la raison d’être d’une humanité véritable repose dans le souci de son prochain. Remettre l’autre, et surtout le plus faible, au centre de nos préoccupations, de celles de la cité, c’est remettre Dieu au centre de notre vie.
N’est-ce pas la plus belle perspective pour notre montée vers Pâques, la plus belle occasion d’accompagner réellement le Christ, par la croix et vers la résurrection ?