Le journaliste Jason Horowitz est l’auteur d’un long article publié dans le New York Times du 7 février, visant, entre autre, à dénoncer une “ténébreuse alliance” entre Steve Bannon – ancien patron de Breitbart News et aujourd’hui principal conseiller en stratégie politique de Trump – et le cardinal Raymond Burke. Cet article a été repris avec gourmandise mais sans aucun discernement par la große presse aux États-Unis et ailleurs… C’est un malhabile mais malfaisant bobard démonté ligne après ligne par Robert Moynihan, journaliste catholique américain résidant à Rome, sur son précieux blogue Inside the Vatican. Un autre journaliste américain, particulièrement chevronné – trente années de métier au compteur –, Phil Lawler, a de manière plus concise réglé son compte à ce bobard sur le site de Catholic Culture. En voici la traduction…
« Un influent militant politique américain, conseiller d’un nouveau Président controversé, conspire avec un cardinal catholique contre le Pape. On dirait les ingrédients d’une superbe histoire, n’est-ce pas ?
Un petit problème : ce sont des balivernes.
En fait, le démontage de cette prometteuse théorie du complot vous le trouverez dans l’article même du journaliste Jason Horowitz – si vous le lisez avec soin. Oui, Steve Bannon a bien rencontré le cardinal Raymond Burke, lors d’une visite au Vatican. Mais cette rencontre s’est passée en avril 2014. C’était donc avant que Bannon rejoigne l’équipe de campagne de Trump – en fait avant même qu’existât une campagne présidentielle de Trump. C’était avant la publication d’Amoris lætitia, avant les dubia.
À cette époque, Bannon était un cadre d’une agence d’information naissante [c’est en février 2014 qu’est lancé le plan de développement de Breitbart News]. Élevé en catholique – encore que sa pratique actuelle fasse l’objet de quelque interrogation –, il manifestait un intérêt très profond pour les questions religieuses. Comme Américain conservateur visitant Rome, il avait naturellement un intérêt à s’entretenir avec un cardinal américain connu pour ses opinions conservatrices. On ne saurait douter qu’ils aient discuté de sujets d’intérêt commun. Et il est très probable qu’ils aient découvert qu’ils avaient des amis communs. Mais tout suggestion que cette rencontre marquât le début d’une grande conspiration contre le Saint-Père, est une idiotie.
Le Pape François est devenu un foyer de division à l’intérieur de l’Église catholique, tout particulièrement ces derniers mois, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec Steve Bannon, et encore moins avec Donald Trump. Ce n’est pas Bannon qui a tenté de manipuler le Synode des évêques. Breitbart n’a pas publié Amoris lætitia. Les dénonciations publiques par le pape de la Curie romaine ont commencé avant la visite de Bannon en 2014, comme ce fut le cas lors de ses attaques contre les « docteurs de la Loi ».
Les critiques contre le Pape François sont-elle devenues plus prononcées ces derniers temps ? Oui, assurément. Mais ces critiques sont concentrées sur des questions de doctrine catholique – les enseignements sur le mariage et l’Eucharistie – plutôt que sur des questions politiques qui sont le premier intérêt de Bannon. (Et soit dit en passant, ce collaborateur de la Maison Blanche trois fois divorcé, ne partage probablement pas la détermination du cardinal Burke à protéger d’indissolubilité du lien matrimonial).
Les journalistes américains ont tendance à voir les problèmes religieux à travers des lunettes politiques et, par conséquent, leur vision est déformée. Il n’est pas douteux que Bannon envisage des collaborations possibles avec certains critiques internes du Pape. Chercher de telles alliances constitue, après tout, un aspect important de son rôle de stratégiste politique. Mais, pour autant qu’il y réussisse, il ne fera qu’exploiter les divisions dans l’Église : il ne les créera pas. »