Le bébé de 18 semaines – tous organes formés, capable de sucer son pouce – porté par une jeune fille violée par son beau-père dans la ville côtière de Comodoro Rivadavia, a trouvé la mort aux creux de la nuit de jeudi à vendredi. Sa vie lui a été ôtée, sur injonction judiciaire, par une gynécologue-obstétricienne du centre maternel et infantile (sic) public de Trelew, à 1 h 30, heure locale, sous la protection des forces de l’ordre. Il n’a pas été tenu compte du recours introduit par la Corporation des avocats catholiques – à la demande de l’épiscopat argentin, assure La Nacion – pour faire constater l’inconstitutionnalité de l’article du code pénal qui autorise la mise à mort d’êtres humains innocents dans certains cas.
La jeune fille est ainsi « débarrassée » de son problème… En apparence seulement. Car si elle se porte aujourd’hui physiquement bien selon ses médecins, elle devra vivre désormais non seulement avec l’abominable souvenir d’avoir été violée, mais aussi avec la conscience d’avoir voulu la mort de l’enfant qui est, malgré tout, celui de ses entrailles.
L’administrateur apostolique du diocèse, Mgr Virginio Bressanelli, avait d’emblée déclaré que l’avortement sur la jeune fille constituerait « un grave attentat contre la vie humaine, par lequel on condamne à mort quelqu’un qui n’est coupable de rien ». Il avait proposé l’aide de l’Eglise à la jeune fille et à sa famille éprouvée. Ci-dessous, ma traduction du texte de son communiqué.
Mais je voudrais souligner auparavant la différence de traitement réservée à cette affaire par rapport à celle de Recife l’an dernier, plus riche de possibilités de manipulation et d’exploitation médiatique. L’affaire de la petite jeune fille de Comodoro Rivadavia a connu un important retentissement médiatique en Argentine, mais la presse internationale ne s’en est pas emparée. Parce que la victime du viol avait déjà quinze ans, peut-être ? Parce que les autorités religieuses n’ont pas prononcé le mot « excommunication » ? Parce que l’affaire est close et que maintenant on tient pour acquis que l’avortement après un viol, après tout, n’est qu’affaire de conscience ? Parce qu’il manquait les activistes de l’avortement pour faire monter l’agitation et actionner les caisses de résonance ?
Pourtant un être humain est mort sur ordre de la loi et sous la garde des pouvoirs publics. Pourquoi n’y a-t-il personne pour hurler contre cette aberration de l’« Etat de droit » ?
Voici donc le communiqué profondément humain et pastoral de Mgr Bressanelli, publié dès le 24 février dernier par l’agence de presse fondée par les évêques d’Argentine. Elle mérite d’être connue.
En tant que père et pasteur de la communauté catholique de ce lieu je voudrais offrir mes réflexions aux fidèles, aux personnes de bonne volonté et à toute la société à propos de la grave situation créée par la demande d’avortement sur une jeune fille violée à Comodoro Rivadavia.
En premier lieu je veux exprimer ma compassion chaleureuse et pleine de compréhension à l’égard de la jeune fille et de sa famille qui vivent des moments de profonde douleur et de désespérance.
Une situation aussi délicate requiert une réponse juste de la part de la société pour éviter que les décisions prises dans un tel contexte de désespoir ne provoquent des dommages encore plus grands.
La vie humaine est un don précieux qui commence au moment de la fécondation, comme le reconnaissent la science médicale et la législation en vigueur. Dès cet instant commence un nouvel être humain avec des caractéristiques et une identité génétique propres et qui est donc sujet de droits.
Ses droits et sa dignité ne dépendent d’aucune variable comme son état de développement, sa condition ou les circonstances par lesquelles il a reçu la vie.
Ainsi apparaît clairement que l’avortement constitue un grave attentat contre la vie humaine, par lequel est condamné à mort quelqu’un qui n’est coupable de rien. L’état d’innocence de la personne à naître montre clairement l’erreur dans laquelle on tombe : la mort de l’enfant à naître ne résout jamais le problème initial : dans ce cas précis, le viol. Tout ce qu’on obtient par là, c’est d’y ajouter un autre fait douloureux.
Cette perception de la valeur de la vie humaine appartient à l’identité culturelle de notre peuple. En effet, notre peuple respecte la vie et la défend, et on n’arrive à projeter un avortement que dans un contexte de désespérance. De par notre expérience pastorale, nous pouvons constater les conséquences traumatisantes qui se manifestent dans la conscience des personnes qui ont eu recours à l’avortement.
C’est pourquoi nous sommes préoccupés par le fait que des organismes et des groupes qui se constituent pour lutter contre la discrimination envers les femmes et pour l’égalité des droits puissent prétendre y parvenir en niant un droit aussi fondamental.
Nous sommes préoccupés par le fait que l’on prétende installer dans la société la grave contradiction conceptuelle par laquelle on considère l’avortement comme un droit, alors qu’en réalité il s’agit de l’axact contraire : la négation du droit fondamental de vivre de quelqu’un.
Ce pays a beaucoup souffert de l’empire de la mort comme une solution facile face aux problèmes. Aujourd’hui nous en souffrons les conséquences. Donner droit de cité à l’avortement reviendrait à creuser la blessure de notre Nation, à aggraver sa maladie. L’Etat, dans toutes ses institutions, doit être le garant de la vie, des droits et du bonheur de tous.
Pour cette raison, nous sommes préoccupés également par le fait qu’on veuille nier l’aspect religieux et spirituel de ce cas, qui mérite respect, comme l’a fait la représentante d’INADI pour le Chubut en arguant que nous sommes un Etat laïque. Les convictions religieuses de la famille impliquée dans cette douloureuse situation ne peuvent être ignorées puisqu’elles constituent elles aussi un droit des personnes.
Cette famille est croyante, fille de l’Eglise, elle croit en Jésus-Christ qui est Dieu de la vie et de l’amour. A travers le mystère de la croix et de la résurrection, Il prend part à sa souffrance et à cette terrible nuit obscure que traverse cette famille. Il lui offre la force d’accueillir avec courage le don de la vie innocente, malgré les circonstances qui l’ont fait surgir.
L’Eglise s’engage à accompagner la famille tout au long de la grossesse, au moment de la naissance et ensuite lors de l’accueil de l’enfant dans son foyer naturel, ou bien, alternative possible, elle lui offre l’amour de beaucoup d’autres familles qui sont prêtes à adopter l’enfant.
Nous nous sentons le devoir de féliciter et de soutenir le Comité de bioéthique de l’hôpital régional et la juge des familles n° 3 de Comodoro Rivadavia, le Dr Veronica Daniela Robert, qui, assumant pleinement son rôle, a pris la défense de la vie en rejetant la demande d’avortement.
Nous félicitons également les médias (le journal Cronica notamment) pour le service qu’ils ont rendu non seulement en informant, mais en ouvrant opportunément les horizons du débat à propos d’un sujet aussi délicat.
La vie est un don. L’accueillir est source de bénédiction pour les personnes et pour les sociétés. Dans ce cas particulier, cet accueil peut l’être pour la communauté de Comodoro Rivadavia, qui envisage son avenir avec espérance.