Mgr Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis, a été interrogé dans le dernier numéro de Famille chrétienne :
Vous venez de fêter les 50 ans du diocèse. Quelles sont les principales grâces reçues ?
La première grâce de cette année jubilaire a été de prendre conscience que l’on appartient à un diocèse, et que c’est ensemble qu’on est appelés à témoigner de l’Évangile. Deux événements ont particulièrement marqué les participants. D’abord, le pèlerinage à notre basilique cathédrale, qui fut l’occasion pour un certain nombre d’entre eux de la découvrir. Ensuite, le pèlerinage à Rome qui a réuni deux cent cinquante personnes. Nous avons pu nous recueillir sur les tombes de saint Pierre et saint Paul, pour confier les intentions du diocèse : c’était un moment très fort. Je retiens enfin l’initiative des détenus de la maison d’arrêt de Villepinte, qui ont proposé une méditation sur un texte d’évangile qui a été diffusée dans tout le diocèse, notamment grâce aux jeunes qui ont soutenu cette initiative.
La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France. Comment l’Église est-elle présente auprès de ces jeunes ?
Nous avons en effet la chance d’avoir beaucoup de jeunes dans le diocèse et d’accueillir plusieurs mouvements comme les Scouts et Guides de France, les Scouts d’Europe, la Jeunesse ouvrière chrétienne ou le Mouvement eucharistique des jeunes. Depuis quelques années, au mois de février, nous accompagnons également les confirmands à Taizé. En banlieue il y a toujours du bruit. Là, beaucoup font pour la première fois de leur vie l’expérience du silence, qui peu à peu les conduit à une intériorité et à un dialogue avec le Seigneur. Je n’oublie pas aussi la chance que nous avons en région parisienne de bénéficier de grands rassemblements comme le Frat, qui encouragent beaucoup les jeunes dans leur foi, car ils découvrent qu’ils ne sont pas seuls. Chez les 18-30 ans, nous notons un besoin très fort de formation, pour pouvoir répondre aux jeunes d’autres religions qui les interrogent. C’est pourquoi j’encourage les paroisses et les mouvements à former des groupes de formation et d’enracinement spirituel.
Votre diocèse est marqué par une forte présence de l’islam et d’extrémistes musulmans. Face à cela, quelle attitude l’Église doit-elle adopter ?
Notre première réponse est de permettre aux jeunes chrétiens de se former, la foi catholique, pour pouvoir entrer en dialogue avec leurs homologues d’autres religions et témoigner de leur foi. Il faut reconnaître qu’il est particulièrement difficile de rendre compte d’une foi trinitaire. Cela exige de creuser, de se former davantage. Nous insistons aussi sur le fait qu’il peut y avoir une fierté légitime à être chrétiens, qu’il n’y a pas à en être honteux. D’autre part, l’Église doit dénoncer le danger de l’islam extrémiste, tout en veillant à ne pas s’enfermer dans un clivage : chrétiens et musulmans doivent dénoncer ensemble cet extrémisme religieux et la violence qui en découle. Dans ce contexte, nous travaillons enfin à être des serviteurs de l’unité entre tous. C’est même l’une des trois priorités de nos nouvelles orientations pastorales.
En 2016, des ordinations ont eu lieu pour la première fois depuis huit ans dans le diocèse. Comment relancer une véritable dynamique vocationnelle ?
Je constate que l’on ose appeler des laïcs à prendre des responsabilités, mais que l’on peine à appeler au ministère presbytéral. Bien sûr, il ne s’agit pas d’appeler à la cantonade, mais d’oser en parler à un jeune, après avoir réfléchi avec d’autres, tout en lui laissant une pleine liberté. L’un des obstacles pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est l’engagement à vie. Dans une société basée sur le court terme, où l’on a envie de goûter à tous les possibles, ils ont du mal à comprendre que l’engagement à vie permet de donner le meilleur de soi. Si l’on présente le sacerdoce uniquement comme le fait de célébrer la messe le dimanche matin, je ne suis pas sûr qu’ils aient envie d’engager toute leur vie sur une telle proposition. Mais si nous disons que nous avons besoin de prêtres pour rassembler une communauté ayant le désir de vivre et d’annoncer l’Évangile, alors là ça devient intéressant. L’appel doit se faire dans une dynamique missionnaire des communautés.
Dans un diocèse marqué par la pauvreté, comment articulez-vous la solidarité et l’annonce explicite de la foi ?
La solidarité est importante, car elle manifeste la charité, qui est au cœur de notre foi. Le pape Benoît XVI a rappelé qu’on ne pouvait pas séparer les sacrements, l’annonce de la Parole et la charité. Il est donc important de pouvoir vivre des trois. J’encourage aussi les personnes engagées à réaliser que le fait de vivre la solidarité fait grandir leur foi, la nourrit et même parfois la purifie. Parmi les adultes qui demandent le baptême, beaucoup m’écrivent que c’est par un voisin ou un proche qu’ils ont découvert la foi chrétienne, parce qu’il leur a ouvert la porte, qu’ils savaient pouvoir compter sur lui. Notre témoignage de vie et notre disponibilité interpellent ceux que nous rencontrons, jusqu’au jour où il est permis une annonce plus explicite.