L’archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France, répond à Pèlerin, qui a publié une enquête sur les catholiques, qui indique que 60 % des catholiques français n’ont rien contre la messe en latin :
Comment percevez-vous les résultats de cette enquête ?
Ils ont l’avantage de coller aux évolutions actuelles de la société et déconnectent des schémas préétablis pour regarder la réalité. Dernièrement, nombre d’enquêtes sur les catholiques ont été publiées dans différents médias français. Clivantes, elles ont contribué à donner une image d’un catholicisme étroit, conservateur, de droite.
D’où l’intérêt des catégories nouvelles proposées par cette enquête. De fait, l’engagement social est devenu moins militant qu’auparavant. Aujourd’hui, il revêt davantage une dimension spirituelle que politique. On note en effet, chez les jeunes chrétiens, un désir d’approfondir leur vie spirituelle, leur lien à Dieu, leur vie de prière et une manière, significative, de choisir leur engagement. Ainsi, à Marseille, par exemple, on constate l’émergence de colocations solidaires installées dans les quartiers pauvres…
Observez-vous une évolution de ces profils depuis une vingtaine d’années ?
Oui. On retrouve aujourd’hui de jeunes pratiquants qui inscrivent la messe dominicale dans leur calendrier, prient chez eux avant le repas et assument les signes religieux dans leur maison… Ce sont des pratiques qui n’existaient pas il y a une vingtaine d’années, où l’image de l’Église était encore ternie par des relents de mai 1968. Certes, la pratique de la messe baisse massivement. Mais dans certaines communautés, le contraire s’opère.
Comment toucher cette majorité de catholiques invisibles qui émerge de l’étude ?
Des temps forts ressortent dans l’enquête : le mariage, le baptême, la catéchisation. Là, la rencontre est possible et l’Église doit se rendre davantage présente, à travers les préparations aux sacrements. Je pense également qu’il faut écouter les jeunes générations et accompagner leurs projets, même s’ils peuvent paraître surprenants. Par Internet, elles se contactent, s’invitent, se retrouvent. Nous rejoindrons les générations à venir de cette manière. Parmi elles se lèveront de grandes figures, comme se sont levés auparavant l’Abbé Pierre ou Mère Teresa. Toucher cette majorité invisible se fera à travers ces personnes habitées par l’Esprit de Dieu et qui prennent des initiatives, et non pas par des stratégies.
Et de quelle manière s’adresser à cette grande diversité ?
Nous ne pouvons pas trouver un langage commun pour tous. Mais le ministère, la pastorale, nous donnent des occasions multiples de rencontrer les gens et d’adapter notre langage. Cette diversité constitue une grande richesse. Sans elle, l’Église deviendrait une secte qui serait mobilisée uniquement par quelques objets de militance, uniques, bien cadrés et ce, dans un élitisme insupportable. Cette diversité nous garde de tomber dans le fondamentalisme ou dans le militantisme trop étroit. Elle nous interpelle en nous montrant ce frère baptisé, qui croit au Christ comme moi mais pose des actes différents des miens au nom de sa foi. La foi n’est pas un moule dans lequel on enferme. C’est plutôt des racines qui me permettent de pousser et d’y puiser la beauté de mon feuillage.