La Journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des êtres humains a lieu chaque 8 février. Evêque d’Orléans et Président du Conseil pour la solidarité, Mgr Jacques Blaquart invite à se mobiliser pour cette cause :
Depuis le début de son pontificat en mars 2013, le Pape François n’a eu de cesse de nous interpeller sur un fléau méconnu : « la traite des êtres humains, un crime contre l’humanité ». En 2015, il fait du 8 février, jour de la Sainte Joséphine Bakhita (une Soudanaise esclave à 9 ans et devenue religieuse en Italie – 1869-1947), la première Journée mondiale de réflexion et de prière sur la traite des êtres humains afin de faire prendre conscience d’un phénomène global qui dépasse la responsabilité de tel ou tel Etat. Au-delà de déclarations, le pape pose des actes afin que les chrétiens, la société civile et les institutions se rencontrent pour devenir forces de changement. Ainsi il a soutenu la création du Groupe Sainte Marthe associant Eglises et Polices des différents continents pour lutter contre la traite des personnes.
La Traite, une réalité mal identifiée
En France, la définition de la traite – comme sa réalité sur notre sol – est très mal identifiée. On pense souvent qu’il s’agit d’un phénomène d’un autre temps ou existant loin de chez nous, sur d’autres continents. La traite des êtres humains est le fait de recruter, héberger ou déplacer une personne d’un endroit à un autre, dans le même pays, ou dans un autre dans le but de l’exploiter pour en retirer un bénéfice. La victime est le plus souvent trompée, enlevée, vendue, contrainte par des violences physiques, morales et psychologiques. Les formes d’exploitation subies varient : travail forcé, exploitation sexuelle, esclavage domestique, mariage forcé, obligation de mendier, contrainte à voler et commettre d’autres délits, trafics d’organe, enfants soldats… et de nouvelles formes apparaissent avec l’évolution du terrorisme.
Les exploiteurs savent tirer profit de la mondialisation et profiter des fragilités liées au contexte économique, social, géopolitique ou encore climatique. Les crises, les conflits, les catastrophes naturelles et les déplacements de populations volontaires ou forcés qu’ils engendrent, alimentent les rangs des victimes avérées ou potentielles. Parmi elles, on compte beaucoup d’enfants. Dans la nécessité de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, de nombreux migrants deviennent des proies faciles pour les exploiteurs et les réseaux. Leur situation de clandestinité les prédispose à se fondre dans une économie souterraine. De plus, bien souvent ils ignorent que, même sans papiers, ils ont des droits.
En France, des organisations chrétiennes sont mobilisées contre la traite
En 2007, le Secours Catholique – Caritas France a créé, en France, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » après avoir soutenu pendant plusieurs années des partenaires qui accompagnaient des victimes de traite et leurs familles en Europe centrale et orientale et en Asie. En 2016, ce Collectif rassemble 25 associations dont un certain nombre d’organisations chrétiennes : Justice et Paix, la Cimade, l’Action Catholique des femmes, l’Armée du salut, Aux Captifs la libération, le Comité Protestant évangélique pour la Dignité humaine, la congrégation Notre Dame de Charité du bon Pasteur, la Fédération de l’entraide protestante, les Champs de Booz, le Secours Catholique-Caritas France. Les associations agissent à différents niveaux : accompagnement des victimes, prévention des publics à risque, formation des professionnels, mise en réseaux au niveau national et international, sensibilisation du grand public… Leur expertise et leur diversité renforcent le poids du Collectif dans son travail de plaidoyer. Le Collectif travaille sans cesse à ce que les législations françaises et internationales évoluent et s’appliquent réellement pour lutter efficacement contre ce phénomène.
TOUS les enfants doivent être protégés de la traite dans ses différentes formes
A l’occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié du 15 janvier 2017, le Pape appelle tout particulièrement à être attentif aux « mineurs migrants et sans voix », et à « l’exploitation perpétrée par des gens sans scrupules aux dépens de nombreux enfants contraints à la prostitution ou pris dans le circuit de la pornographie, asservis dans le travail des mineurs ou enrôlés comme soldats, avec le risque de se retrouver seuls et abandonnés. »
Récemment, en France, le démantèlement du bidonville de Calais est venu mettre en évidence les réalités dégradées des conditions d’accueil et de vie des mineurs non accompagnés. Les associations du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » sont choquées par le caractère dérogatoire à la protection de l’enfance du dispositif de centres d’accueil et d’orientation (CAOMI) sur l’ensemble du territoire français, pour 1700 mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Le Collectif rappelle que les mineurs isolés, non accompagnés, non protégés, sont vulnérables aux situations d’exploitation et de traite.
Le Secours Catholique et les associations du Collectif qu’il coordonne insistent sur la nécessité d’un accès pour tous les mineurs sur le sol français aux dispositifs du droit commun (hébergement, scolarisation, santé…). Il reste vigilant sur les conditions de la levée du dispositif d’urgence dérogatoire (CAOMI) pour rejoindre au plus vite le droit commun et la même protection sociale que tout enfant en France. Il est également préoccupé par le manque de capacité de repérage et d’identification des faits d’exploitation qui pourraient toucher des mineurs, risque amplifié par la dispersion des jeunes dans les différents centres d’accueil et d’orientation. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a d’ailleurs souligné, début 2016, que la situation des enfants en France est en deçà de ce qui était attendu de la cinquième puissance mondiale. C’est par la protection que nous pourrons garantir la santé et le bien être de chaque enfant conformément aux engagements pris par la France dans le cadre de la ratification de la Convention des droits de l’enfant.
Plaider pour une lutte efficace contre la traite
Le Collectif réitère ses demandes au gouvernement français d’une vraie politique publique pour lutter contre la traite des moins de 18 ans comme des adultes. Il préconise : des moyens concrets conséquents répondant aux besoins de repérage, d’identification, de prise en charge (logement, alimentation, santé, scolarisation ou formation professionnelle, accompagnement juridique), de protection des victimes de toutes les formes de traite ; la reconnaissance du statut de victime à tout mineur victime de traite en dehors de toute démarche pénale ; – l’application de la loi selon laquelle un-e mineur-e en situation de prostitution est un-e enfant en danger, qui doit être protégé-e ; l’accompagnement de ces mineurs lors de leur passage dans l’âge adulte. Il insiste sur : le rattachement de la mission interministérielle contre la traite des êtres humains au Premier Ministre ; la sensibilisation du grand public notamment en décrétant la lutte contre la traite Grande Cause nationale ; la formation des policiers, gendarmes, magistrats, avocats, enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux et médecins pour mieux identifier les victimes ; la participation effective des associations à l’élaboration du plan national de lutte contre la traite des êtres humains. A l’heure où un nouveau plan d’action national contre la traite doit être écrit en France, le Collectif rappelle l’urgence d’y insérer des moyens financiers pour prévenir et lutter contre la traite.